PANADE DANS LES EHPAD

Publié le par Michel Durant

Ça va faire causer dans les chaumières !

Un nouveau chantier sanitaire pour le gouvernement au moment où, après deux ans de Covid et des chiffres toujours inquiétants (500 000 contaminations par jour et plus de 30000 hospitalisés), un livre sur les EHPAD fait scandale. Macron pas avare de promesses avait garanti qu'une loi sur le grand âge serait votée au cours du quinquennat mais, à deux mois et  demi de la Présidentielle, cette loi dite "des générations solidaires" est un vrai serpent de mer noyé "dans les  eaux glacées du calcul égoïste" comme aurait dit le grand Karl. Avec Les Fossoyeurs, Victor Castanet jette un pavé dans la mare électorale où "la fin de vie" pourrait bien remplacer le pouvoir d'achat comme préoccupation principale des Français. 

Ce n'était pas mieux avant

En effet, si tous n'ont pas de problèmes de pouvoir d'achat, chaque Français sait qu'il va mourir et pas forcément dans des conditions dignes. Chacun a été confronté, d'une manière ou d'une autre, à cette fâcheuse condition humaine que la société dissimule sous des vocables peu à peu édulcorés et baptisés de façon poétique* : asiles de vieillards, maisons de retraites, établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), unités de soins longue durée (USLD), résidences-autonomie… Personne ne veut aller en "maison  de retraite" mais tous finissent par s'y résigner car "on ne peut pas faire autrement". Autrefois, les vieux mouraient à la maison, généralement parmi les enfants et petits-enfants. Non, ce n'était pas mieux avant car ils mouraient à petit feu, au coin de la cheminée, le plus souvent dans la souffrance, la tristesse et la solitude (parfois les brimades et même les violences). Je me souviens de mon arrière-grand-mère maternelle morte en quelques jours à 87 ans, à la ferme, après une fracture du col du fémur inopérable à l'époque. Dans un EHPAD, préservée des chutes, elle serait peut-être morte centenaire (comme ma grand-mère paternelle) dans de meilleures conditions… Je me souviens aussi de mon père qui, après une banale opération à l'hôpital, n'a jamais repris connaissance et mourut à 80 ans quelques jours après son admission en maison de retraite où, à mon avis, il n'avait rien à faire. Et je supporte très mal la situation de ma tante qui, à 95 ans, en unité Alzheimer, ne reconnaît plus personne depuis des années, menant une vie végétative sans attrait…*Villa Beausoleil, La Fontaine du Roc, La Résidence du Parc, La Villa paisible, Le Soleil couchant, Les Vignes…

C'était autrement

Quoi qu'il en soit, le livre sur les EHPAD soulève des vagues  qui pourraient bien faire un tsunami dans le milieu. En effet, le leader des maisons de retraite ORPEA (220 établissements en France et un millier dans le monde), qui génère plusieurs milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel, reçoit aussi des dotations publiques qui justifient grandement que l'État mette le nez dans les comptes et envoie ses inspecteurs voir ce qui se passe dans tous les établissements SANS PRÉVENIR. Hélas, ceux-ci sont comme tous les personnels du service public : ils sont en nombre insuffisant et n'ont pas les moyens de bien faire partout leur travail. Dans les EHPAD, on manque de personnel qualifié, de remplaçants, tout ça parce que les salaires laissent à désirer. Chacun le sait, à part Macron qui regarde ailleurs.

Un EHPAD à Neuilly. Mais où sont les résidents ? Ils sont allés voir Sarkozy !

Pourtant, les tarifs sont lourds pour les résidents et leur famille. De l'ordre de 2000€ mensuels pour le tarif médian, il s'étale sur une échelle de 1 à 6 et peut même atteindre 12000€ par mois ! Le problème c'est que le livre de Victor Castanet dénonce de graves manquements suite à des alertes de familles et de soignants. Le Ministre de la Santé qui n'allait guère dans les EHPAD que pour justifier sa politique sanitaire anti-Covid se voit obligé de promettre l'ouverture d'une enquête "s'il y a lieu" ! La direction d'ORPEA considère qu'il s'agit "d'accusations mensongères, outrageantes, préjudiciables et que s'il peut y avoir eu des erreurs, ici ou là, jamais il n'y a eu de négligences". L'embêtant pour la société et ses actionnaires c'est que l'action a baissé de 30% en deux jours à Wall Street.

Nous voulons une nouvelle loi pour la fin de vie…

L'intérêt de cette affaire c'est qu'elle met sur le devant de la scène deux des questions importantes de nos sociétés modernistes : comment vivre mieux sa vieillesse et comment mourir dans la dignité ? Et surtout tenter de résoudre ces deux questions selon les principes républicains de liberté, d'égalité et de fraternité. C'est déjà difficile de le faire avant l'âge de la retraite mais ça devient une gageure après. Ainsi comment payer son EHPAD 1800 ou 2000€/mois si on touche une retraite de 750€ ? Et  comment faire si ses enfants sont au chômage ou au SMIC ? Pour la fraternité on repassera. Quand plusieurs millions de Français sont au-dessous du seuil de pauvreté, difficile de leur demander de s'inquiéter du sort de leur voisin qui vient d'entrer en EHPAD. Et pour la liberté, grâce aux réacs qui nous gouvernent, on est libre d'agoniser pendant des semaines et des mois mais pas libre de choisir de mourir sans souffrir comme en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg ou en Suisse (ah mais les riches peuvent se payer ce luxe tout comme, avant l'IVG, ils allaient outre-Manche auprès de médecins compatissants et très bien payés).

…et aussi le droit pour tous de vivre dans la dignité

 

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