LA FESSÉE, COMMENT SE FAIT-CE ?
Le 26 janvier 2017, on apprend que le Conseil Constitutionnel, dans sa grande sagesse, retoque la loi Égalité et Citoyenneté pour 40 de ses articles. Parmi eux, celui pour l'administration de la fessée à un enfant, non pas sur le fond – de culotte – mais sur la forme car cet article a été jugé sans rapport avec l'objectif général de la loi. Il avait été adopté grâce à la technique dite du "cavalier législatif" qui permet, si la vigilance des élus est trompée par un collègue astucieux mélangeant torchons et serviettes, de faire voter un texte qui ne l'aurait pas été s'il avait été présenté dans un autre contexte.
Le même jour, dans le paradis de Poutine, on assiste à une opération tout aussi "cavalière" puisque la Douma a dépénalisé la violence domestique en réduisant les peines encourues (qui pouvaient atteindre deux ans de prison) à l'absence de poursuites POURVU QUE LES CHÂTIMENTS CORPORELS SOIENT LÉGERS. Cela pour des raisons humanitaires, on s'en doute, notamment afin de désengorger les prisons (pour y mettre les opposants politiques : ça c'est moi qui l'ajoute).
Il est assez curieux que deux pays aux traditions culturelles, à la pratique judiciaire et à la démocratie aussi différentes se penchent (c'est le cas de le dire) ensemble sur cette méthode "éducative" aux variantes infinies du rigide pater familias romain au jouisseur Michael Lonsdale et de la douce mamie Nova à la maman excédée par les hurlements de ses galopins déchaînés. Heureusement que notre Président est fâché avec le leur, sinon une commission mixte de députés russes et français aurait pu être constituée pour rédiger un texte commun et légiférer ainsi "de l'Atlantique à l'Oural".
Trêve de plaisanterie car tout ça n'a rien de drôle. En Russie, ce sont douze mille femmes qui meurent chaque année de violences domestiques et ça va s'amplifier puisque l'autocrate qui règne au Kremlin ne s'embarrasse pas de précautions pour faire assassiner ses opposants politiques, s'emparer d'un pays voisin, emprisonner les Femen dont le crime consiste à circuler les seins nus en criant des slogans... Laisser impunément maltraiter les femmes derrière les murs des appartements ne peut que tarir le réservoir à Femen !
En France où on a pourtant d'autres chats à fouetter en ce moment, où chacun a au moins reçu ou donné une fessée dans sa vie, on hésite entre prendre les choses au sérieux ou bien les tourner en dérision. Peut-être faudrait-il examiner sérieusement la question des châtiments corporels (et pas seulement la fessée) sans pour autant en faire un drame. Et d'abord la violence domestique ne consiste pas seulement à donner des coups mais aussi à faire subir l'indifférence, le mépris ou l'exigence aux femmes et aux enfants. Ensuite, on sait bien qu'une interdiction par la loi ne suffit pas à obtenir la suppression de l'acte interdit. Enfin, une tape sur les fesses ou la cuisse n'est pas une grosse baffe sur la joue, l'œil ou le nez, le heurt contre le mur ou le lavabo, la privation de nourriture, l'enfermement à la cave, l'obligation au silence... L'imagination humaine en la matière n'a d'égale que celle que déploie l'homo sapiens pour faire la guerre.
Selon ses partisans, l'interdiction de la fessée serait le moyen d'éradiquer la violence, le premier pas vers la pacification des paroles et des actes. Je n'en crois rien. Prenons l'exemple de la Norvège qui l'a interdite en 1987 et qui a connu le plus grave meurtre de masse (77 morts à Oslo et Utøya, loin de son objectif qui était de 600 ! ) commis par un seul individu. Anders Behring Breivik condamné pour ses actes à 21 ans de prison était âgé de 32 ans au moment des faits. Il a pu recevoir des fessées jusqu'à l'âge de 8 ans. J'aimerai savoir s'il en a trop ou pas assez reçu afin de mesurer l'effet mortifère de cet acte très différemment exhibé dans la litttérature.