POLANSKI'S BABY

Publié le par Michel Durant

On le sait, Roman Polanski est un plaisantin. Déjà, juif et Polonais ça dénote un caractère jovial, mais né à Paris avec un père déporté à Mauthausen et une mère morte à Auschwitz, ça ne l'a pas empêché de faire des études de cinéma en Pologne et d'y réaliser ses premiers films dans la joyeuse période où ce pays était sous la domination de l'Union Soviétique. Bien sûr, ça le rapproche de Woody Allen spécialiste de l'humour israélite qui le fit triompher à Broadway de même qu'on les vit (attention, pas Lévy, hein)* s'afficher avec des actrices de plus en plus belles et jeunes au point de s'attirer quelques ennuis judiciaires...

* Pendant l'Occupation, un opticien avait écrit sur sa devanture : Attention, Lissac n'est pas Isaac !

Roman Polanski, comme tous les cinéastes européens de talent (pas forcément parce qu'ils avaient été chassés par le nazisme comme Fritz Lang, Billy Wilder, Michael Curtiz...) a travaillé aux USA avec succès. Mais il y a connu quelques problèmes : sa femme, Sharon Tate, enceinte de 8 mois, a été assassinée par les membres d'une secte satanique et, quelques années plus tard, il fut accusé d'avoir violé une fille de 13 ans au cours d'une séance de photos. Pour ce délit, le cinéaste resta plus d'un mois en prison. Il plaida coupable, passa un accord financier avec la famille de la victime et quitta les USA.

Remarié en 1989 avec l'actrice française Emmanuelle Seigner (de 36 ans sa cadette qui lui a donné – comme on dit – deux enfants de 24 et 19 ans), Roman Polanski continua en Europe une carrière brillante ponctuée de très nombreuses récompenses internationales. Mais la justice américaine, plus sévère avec les artistes qu'avec les milliardaires, quarante ans après les faits, persiste à poursuivre le cinéaste alors même que la victime, Samantha Geimer (1e image ci-dessus), a pardonné à Polanski et souhaite que les poursuites soient abandonnées.

Plus royalistes que le roi, des féministes ont lancé une pétition protestant contre le choix de l'Académie des César de confier la présidence de sa 42e cérémonie à l'auteur de Rosemary's Baby. Quelque opinion qu'on ait sur ces prix ressemblant à des défilés de mode féminine et sur les sanctions infligées aux auteurs de viol, cette pétition ressemble un peu à une manifestation d'Ordre Moral semblable à celles dont les féministes sont les victimes un peu partout dans le monde. C'est d'ailleurs accorder aux récompenses cinématographiques une valeur qu'elles n'ont que pour ceux – conformistes amoureux des médailles, bons points et autres décorations – qui espèrent en recevoir un jour. Valeur souvent démentie par les faits.

Soumis à la pression médiatique, Roman Polanski a finalement renoncé à l'honneur qui lui était fait – Ah si Fillon agissait de même, on retrouverait Juppé candidat qui fut lui-même condamné, on retomberait sur Sarkozy actuellement en délicatesse avec la justice... mais qui donc pour représenter l'ex-UMP à la Présidentielle ? Du coup, les responsables de l'Académie des César ont décidé qu'il n'y aurait pas de Président cette année. Les films et professionnels en compétition seront-ils meilleurs ou pires pour autant ? Roman Polanski aura-t-il plus ou moins de talent après ça ? Son crime d'il y a quarante ans sera-t-il effacé par cette nouvelle sanction et la victime sera-t-elle guérie de son traumatisme ? Cela reste à prouver. Je présume que le livre qu'elle a écrit, La Fille, aura été plus efficace pour se libérer des difficultés psychiques accompagnant les viols, difficultés abondamment montrées au cinéma (L'Amour violé, Festen, Millenium...), décrites dans  les romans (Lolita*, photo ci-dessus), les chansons (Nantes).

* Dans le roman de Nabokov, Lolita a 12 ans 1/2 alors que Samantha Geimer avait 13 ans au moment des faits. Mais, dans le film de Stanley Kubrick, Sue Lyon, l'actrice jouant Lolita, avait 14 ans pour déjouer les sanctions encourues par le film dans ce pays où la pudibonderie le dispute à la violence. 

 

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