POST-VÉRITÉ, MENSONGE ANTÉRIEUR

Publié le par Michel Durant

L'élection de Trump, sa cérémonie d'intronisation, les manifestations d'opposants le lendemain et les déclarations de son porte-parole ont donné lieu à diverses interprétations et commentaires dans les gazettes et sur internet. Parallèlement, j'ai appris à la radio que le livre de George Orwell 1984 connaissait un succès phénoménal aux USA, au point que l'éditeur avait dû refaire un tirage de 75 mille exemplaires (sur un autre média, j'ai entendu cent mille) ! Tout n'est donc pas perdu pour la démocratie américaine car la lecture de George Orwell est aussi efficace pour le décrassage des cerveaux que le hérisson pour le ramonage des cheminées.

George Orwell à sa machine à écrire.

Dès sa prestation de serment, le nouveau locataire du Bureau ovale, a vanté l'énormité de la foule qui y assistait, bien plus importante que 8 ans auparavant pour Obama. Aussitôt, partout sur les réseaux sociaux, apparurent des images comparatives de l'esplanade en 2009 et 2017 où l'évidence crevait les yeux : Trump mentait. Mais son porte-parole Sean Spicer confirmait l'affirmation de son patron. Pire, mais plus habile, sa conseillère spéciale Kellyanne Conway  expliqua qu'on ne peut jamais vraiment quantifier une foule et qu'il ne s'agissait pas d'un mensonge de Trump mais d'un fait alternatif !

 

 

Cette expression a connu un certain succès dans la presse US. Je dois dire qu'elle m'amuse beaucoup et me fait penser à la novlangue utilisée dans 1984, le roman dystopique de George Orwell. Il montre une société totalitaire dirigée par un homme dont le portrait trône partout avec la menace répétitive "Big Brother vous regarde". Ses slogans sont surprenants : La guerre c'est la paix, La liberté c'est l'esclavage, L'ignorance c'est la force. Très naturellement, on comprend que le Ministère de la Paix s'occupe de la Guerre qui est quasi permanente. Il y a un Ministère de la Vérité qui, on s'en doute, s'occupe des mensonges d'État. En effet, en permanence, une armada de gratte-papier efface, corrige, rectifie les informations figurant dans les archives au fur et à mesure des nouvelles décisions du gouvernement de Big Brother. Celui-ci a donc toujours raison, le peuple doit le croire et obéir (je schématise) sans quoi ça va barder.

On comprend facilement que le mensonge antérieur de Trump devient une post-vérité destinée à tromper délibérément les lecteurs-auditeurs-téléspectateurs en leur fournissant les éléments contredisant avec vraisemblance les objections de l'opposition. Le nouveau Président ne possédant pas encore tous les pouvoirs, on imagine aisément qu'il aura pour objectif de faire taire toute contradiction, toute opposition, tout média susceptible de fournir une vérité ne concordant pas avec celle affirmée par le gouvernement. Les grosses machines comme Facebook, Google, Twitter, Instagram et autres ne voyaient pas jusque-là l'intérêt de contrôler les infos qu'ils véhiculent, considérant que leur liberté de circulation, la possibilité de les confronter à d'autres, garantissaient l'objectivité du système. Mais cette récente élection présidentielle américaine vient d'amener Google et Facebook à lutter contre les fausses infos.

Les masses d'informations circulant sur le Net sont telles qu'il est impossible de toutes les vérifier et, dès lors, si le support et ses responsables "ne bougent pas", la post-vérité  s'imposera sous l'accumulation de faits alternatifs. Aux USA, le libéralisme économique, porté à son comble jusque-là, va voler en éclats sous les coups d'une chaîne gouvernementale d'infos s'opposant à tout moment au pluralisme généralisé. Quelques décrets présidentiels sélectifs judicieusement médiatisés élimineront rapidement les médias rétifs à la subordination et on aura atteint le stade ultime qu'ont connu les sociétés totalitaires du XXe siècle et celui que connaissent celles contées dans 1984, Le Meilleur des Mondes, Fahrenheit 451, Le Talon de Fer... Des romans dystopiques décrivant des sociétés imaginaires empêchant ses membres d'atteindre le bonheur.

Ces sociétés ont pour vocation de durer éternellement – un Reich de 1000 ans – grâce à une oligarchie puissante, une police omniprésente privilégiée, un contrôle permanent de la pensée et des actes, la torture généralisée brisant les cœurs et les corps. Mais on ne doit pas désespérer de l'individu et de l'espèce humaine même si les faits, tous les jours, peuvent nous y inciter. Car c'est incroyablement résistant un homme disait Jean Cayrol dans le commentaire du film d'Alain Resnais Nuit et Brouillard. Résister, c'est bien le mot qui convient pour les Américains opposés à la politique de Trump (majoritaires de 2,9 millions de   voix) qui ont commencé cette résistance dès le premier jour par une manifestation pour les droits  des femmes. Et cela continue par une objection judiciaire au décret voulant interdire l'entrée d'immigrants, munis de papiers réglementaires, issus de 7 pays musulmans. Bravo aux juges, bravo aux manifestants bloquant les expulsions. Bravo au Premier Ministre canadien qui invite les immigrants à venir dans son pays.

 

 

 

 

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