UNE DICTATURE DE VELOURS

En 1989, en Tchécoslovaquie, on a connu la révolution de velours. Eh bien, nous autres Français qui avons fait trois révolutions dont deux se sont terminées par des dictatures, nous connaissons désormais une dictature de velours. C'est nouveau. Mais ne sommes nous pas un peuple novateur, un peuple de veaux selon le général de Gaulle, un peuple de va-nu-pieds superbes selon Victor Hugo, un peuple de feignants* selon le Président Macron ? Et ce peuple, si indolent, si orgueilleux, si grincheux, si docile et si versatile, son nouveau Président a trouvé la méthode pour le faire marcher là où il prétend ne pas vouloir aller : main de fer, gant de velours !

Selon tous les sondages (mais avec des gens aussi versatiles que les Français, comment s'y fier ?) une majorité de citoyens est opposée à la réforme du Code du Travail. Macron s'en fiche : il a une majorité absolue de députés qui votent comme un seul homme/comme une seule femme sa réforme. La démocratie parlementaire est respectée mais la décision est imposée à un peuple qui n'en veut pas. Si ce n'est pas une mesure dictatoriale, qu'est-ce ?

Hier, au Burkina-Faso, à Ouagadougou, devant une assemblée de 800 étudiantEs burkinabéEs, le Président Macron s'est livré à l'exercice qu'il préfère la flatterie veloutée, le mensonge doucereux, l'envolée lyrique, l'image démagogique. Tout cela bien préparé par le Conseil présidentiel pour l'Afrique dirigé par son Conseiller Afrique, Franck Paris, son camarade de l'ENA, promotion Léopold Sédar Senghor. Aussi, quand l'orateur affirme "il n'y a plus de politique africaine de la France" c'est évidemment un mensonge flagrant applaudi par un auditoire aussi versatile et docile que s'il était composé de braves citoyens français. Et quand il répond à une jeune femme lui reprochant qu'il n'y ait que 500 étudiants africains en France quand il y a 7000 soldats français en Afrique "vous ne devez qu'une chose aux soldats français : les applaudir !" si ce n'est pas de la démagogie, ça y ressemble.

Mais si, comme moi, on a la curiosité d'aller voir et entendre (sur RFI, par exemple) ce que disent les opposants aux gouvernements africains du discours macronien, on constatera que le sirop élyséen ne fait pas d'effet bénéfique sur la gorge africaine. Tous estiment que le "dictateur de velours" n'a pas à donner de conseils aux Africains et qu'au lieu d'embrasser les néo-dictateurs du continent, élus grâce à la complicité des capitalistes étrangers, il vaudrait mieux que le président français règle les problèmes de pauvreté dans son propre pays qui sont très importants. J'ai même entendu dans la bouche de l'un d'eux qu'avec Franck Paris, la cellule élyséenne gaulliste de Foccart était en quelque sorte reconstituée. Et quand on sait qu'Areva, responsable de la contamination des eaux et de l'air autour des mines d'uranium d'Arlit au Niger refuse ses responsabilités et licencie à tour de bras les ouvriers africains avec la bénédiction du président de la République, si ce n'est pas la marque d'un pouvoir absolu désireux de conserver son alimentation en minerai d'uranium pour son parc surdimensionné de réacteurs nucléaires, qu'est-ce que c'est ?
Autre situation, le glyphosate, cet herbicide classé comme cancérogène

probable (ce qui autorise toutes les interprétations et toutes les magouilles) par l'OMS devait renouveler son autorisation pour 15, 10 ou 5 ans à la réunion des ministres de l'Agriculture de l'Union Européenne. Le vote fut acquis par 18 voix pour, 9 contre (dont la France) et une abstention (le Portugal). L'Allemagne et le Royaume-Uni, pays à population nombreuse, ont permis d'atteindre les 65% de la population européenne nécessaires à la validation d'un vote des 28 pays. Remarques : le ministre allemand a voté Pour sans l'accord de la chancelière ; le britannique a voté Pour (malgré le Brexit) alors que ce vote n'engage en rien les agriculteurs d'outre-Manche ; Stéphane Travert, ministre français qui était favorable à 5 ou 7 ans et l'avait dit publiquement pour faire plaisir aux responsables de la FNSEA, a dû voter contre car Macron, le dictateur de velours, avait tranché en faveur de Nicolas Hulot !

Dans cet exemple, la décision macronienne, fût-elle de type dictatorial (moi je, moi je, moi je, comme à Ouagadougou) est plus proche du ministre écolo (bien qu'elle soit non démocratique car le débat public sur l'usage de cet herbicide reste à faire) et pourrait nous agréer si l'autorisation du glyphosate se réduisait à une année et si cette attitude favorable à l'environnement ne cachait pas une prochaine décision défavorable sur la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le site d'enfouissement de déchets nucléaires à Bure, l'arrêt et le démantèlement de plusieurs réacteurs nucléaires, l'assassinat d'un nombre supplémentaire important de loups… (à ce propos, La Montagne nous apprend que 300 brebis et agneaux ont brûlé dans une bergerie à Saint-Anthème). Quelques chiffres relatifs à l'élevage ovin en France en 2016 : cheptel environ 8 millions de têtes, tués par les chiens errants au moins 50 000, par les maladies diverses et problèmes entre la naissance et le sevrage 500 000 décès, foudre plusieurs centaines d'individus, incendies plusieurs milliers. On voit qu'il faut relativiser les attaques de loups car les plus grands prédateurs des ovins sont… les hommes… qui sont non seulement des loups pour leurs congénères mais aussi des loups pour les moutons.
Et que viennent faire ces loups et ces moutons dans cet article sur la dictature de velours ? Élémentaire, mon cher Watson : une bonne partie du velours est faite avec de la laine de mouton et là où il y a des moutons, il y a des loups. CQFD !
* Ce peuple de feignants finira comme les rats du joueur de flûte de Hamelin (et comme les enfants de la ville par la suite) noyés dans le fleuve ou entraînés dans une mort affreuse.
