LA  RÉPUBLIQUE  EN  MARX

Publié le par Michel Durant

Le Premier Mai, Journée Internationale des Travailleurs, il est normal qu'un vieux militant syndicaliste – de moins en moins syndicaliste mais toujours aussi militant – se retourne sur son passé et en appelle aux grandes figures, aux grands textes, aux grandes manifestations qui ont émaillé sa formation, sa réflexion et son action. Ainsi donc, stimulé par un réveil avec France Culture qui consacrait une émission matinale à Karl Marx, énervé par une soirée télé sur FR3 qui a surtout idéalisé l'intervention des forces "de l'ordre" en mai-juin 1968 puis tenté stupidement d'imaginer comment les "événements" auraient été traités par les médias si les chaînes d'infos avaient existé, émoustillé par les vendeur(e)s de muguet à la sauvette, au retour des commissions je me mets au clavier de l'ordinateur. f

Karl Marx, n'a pas bonne réputation chez les bourgeois et ceux qui se sont embourgeoisés – bien qu'appartenant à la classe ouvrière – car ils trouvent ses idées dangereuses pour eux et pour la société dans laquelle ils sont si bien adaptés qu'ils s'y sont incrustés comme la patelle sur le rocher et ne peuvent plus bouger d'un pas, d'une parole, d'une idée. En plus, on ne le connaît guère que par les déviations, les erreurs, les crimes de ses épigones. Évidemment, avoir pour "descendants" Staline, Ceaucescu et Georges Marchais, entre autres – sans parler de Kim Jong Un – n'est pas aussi cool qu'être le père des Beatles, de Marilyn ou de Picasso (même si ce dernier, compagnon de route du PCF, peignit la colombe de la Paix, symbole du Mouvement crypto-coco du même nom).

 

Je n'ai pas l'intention de réhabiliter Marx. D'abord, il n'en a pas besoin car si ses livres étaient lourds en poids et en idées, il ne s'en est jamais servi pour trucider quelqu'un. Ensuite, il n'est pas responsable des crimes commis en son nom par des opportunistes qui n'avaient pas vraiment connu son œuvre, qui ne l'avaient pas comprise ou qui ne voulaient pas la mettre en pratique. Enfin, je n'en ai pas le talent et je laisse au lecteur le soin de juger s'il faut tuer Marx comme il plaît, aux chasseurs et à certains éleveurs de moutons, de tuer le loup !

 

 

 

 

Ce qui m'intéresse aujourd'hui, au moment où le capitalisme a noyé les idéaux humains sous un flot continu de produits inutiles, coûteux et dangereux pour l'espèce humaine, où il prétend triompher dans tous les domaines de la vie, où les chefs d'état ne sont que des marionnettes au service des Multinationales, marionnettes exaltant paradoxalement un sentiment national exacerbé, c'est de montrer combien la pensée du grand philosophe a gardé une étonnante actualité. Ainsi, dès 1844, bien avant la publication du Manifeste Communiste, Karl Marx affirmait : "Le communisme est la vraie solution du conflit entre l'homme et la nature." Les études qu'il avait menées sur la structure de la société britannique du XIXe siècle l'avaient convaincu que le capitalisme non seulement aliénait les travailleurs en les exploitant mais encore détruisait la nature, source de vie essentielle à l'espèce humaine. Plus tard, après la mort de Marx, Engels lui-même expliquait que la déforestation continue de la Mésopotamie pendant des millénaires avait conduit ce berceau de la civilisation humaine (entre les fleuves) à une désertification progressive dont on voit aujourd'hui les conséquences dramatiques.

 

Dans le tome 1 du Capital paru en 1867, Karl Marx développait son raisonnement à propos des rapports Homme-Nature dans un chapitre aussi brillant que ses images du Manifeste "La bourgeoisie a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste…" Il y écrivait : " Tout progrès de l'agriculture capitaliste est non seulement un progrès dans l'art de piller le travailleur, mais aussi dans l'art de piller le sol ; tout progrès dans l'accroissement de sa fertilité pour un laps de temps donné est en même temps un progrès de la ruine des sources durables de sa fertilité…" Ne croirait-on pas lire du José Bové ?

 

Il ne s'agit pas de faire ici de Karl Marx le premier écologiste du monde, l'indépassable inventeur de je ne sais quel écosocialisme qui peine, encore aujourd'hui, à émerger du champ de morts qu'a été l'élection présidentielle de 2017. Cependant, les écologistes auraient bien tort de faire l'économie de la connaissance des œuvres de Marx et de se contenter de le ranger au magasin des antiquités. En effet, son analyse du capitalisme, si elle date de 170 ans (tiens comme les platanes du Champ  de Foire !), gagne toujours à être connue et le matérialisme dialectique est parfaitement opérationnel pour mener au sein de notre société mortifère les opérations de vie et de survie indispensables.

 

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