BLOUSONS BLEUS ET GILETS JAUNES MÊME COMBAT ?
Ces femmes ne sont pas des gilets jaunes mais des artistes !

Après un mois de manifestations sur la voie publique, il paraît que les forces de l'ordre sont épuisées. Bien sûr, c'est pénible de rester debout dans le froid, sous les insultes et parfois les pavés, harnachés comme des chevaliers du Moyen-Âge. Mais ce n'est qu'une fois par semaine. Et puis, ils ne manquent pas de moyens ces CRS chargés de défendre la République (qui ne semble pas en danger) à coups de matraques, de grenades lacrymogènes, de flash-ball et de puissants jets d'eau utilisés avec largesse. On les a même vus utiliser des véhicules blindés et des chevaux pour "dégager" la chaussée occupée par des manifestants.
Des policiers solidaires des Gilets Jaunes

S'ils sont épuisés, c'est bien parce que le Pouvoir a attendu un mois pour répondre petitement aux revendications populaires longtemps accumulées à cause du non-respect des promesses électorales. S'ils sont épuisés, c'est bien parce que le régime d'austérité imposé par Sarkozy a réduit les effectifs de façon drastique. S'ils sont mécontents, c'est bien parce que plus de 20 millions d'heures supplémentaires n'ont pas été payées par des gouvernements qui ne cessent d'honorer "le courage et le dévouement" des forces de l'ordre mais qui refusent d'honorer leurs dettes. S'ils sont mécontents, c'est peut-être aussi parce que certains d'entre eux, mobilisés dans l'urgence, sont obligés de s'équiper à leurs frais chez l'armurier du coin !
Policiers et pompiers solidaires des Gilets Jaunes

Donc, les syndicats de police appellent à une grève du zèle*. Enfin, je veux dire qu'ils ne feront pas de zèle demain mercredi. Vont-ils bloquer les commissariats pour obtenir de rencontrer le Président de la République ? Va-t-on envoyer les Gilets Jaunes pour les déloger ? Ce serait amusant et un plaisant retour des choses pour ne pas dire de boomerang. À midi, j'ai vu à la télé un représentant de l'UNSA Police (un camarade de syndicat puisque je suis syndiqué à l'UNSA Enseignement) parler très poliment et justement des revendications corporatives de cette catégorie sociale loin de rouler sur l'or. Elle que le Pouvoir envoie défendre le CAC 40, les banques et accessoirement la République (qui ne me semble pas en danger pour l'instant), n'est pas constituée de fils de banquiers ou d'énarques. *Imaginons que lors d'une prochaine manifestation à Paris, les policiers chargés de la protection de l'Élysée regardent ailleurs au moment où les Gilets Jaunes entrent dans le Palais du Président, hein. Ou bien qu'ils fraternisent avec eux comme les soldats du 17e ont fraternisé avec les viticulteurs du Midi en 1907. Ou encore comme la Garde Nationale qui se rangea aux côtés des Parisiens insurgés contre le Pouvoir royal lors de la Prise des Tuileries de 10 août 1792.
Pas vraiment violents ces Gilets Jaunes à Thionville !

C'est pourquoi certains d'entre eux se montrent solidaires des Gilets Jaunes (pas à visage découvert, on comprend pourquoi) et on se doute qu'au moment de donner un coup de matraque il n'est pas aussi appuyé que le souhaiteraient le Président de la République et le Ministre de l'Intérieur. D'ailleurs, si j'étais à la place de Macron et Castaner, je me méfierais de la fidélité apparemment inconditionnelle de cette armée intérieure car le mot révolution a souvent été prononcé depuis un mois, souvent vu à la télévision sur les Gilets Jaunes ou sur leurs pancartes.
Là, ce n'est vraiment pas très malin de brûler des pneus !

"La Révolution, disait Mao Tsé Toung, n'est pas un dîner de gala". C'est sûr que les jets de pierres, d'œufs, de planches et autres barrières métalliques ne sont pas plus agréables que les grenades lacrymogènes et les coups de gourdins. Mais "ceux qui rendent impossible une révolution pacifique rendront inévitable une révolution violente" affirmait Kennedy, par ailleurs fils de milliardaire. Si l'on veut éviter une révolution, il faut avant tout être à l'écoute du peuple, lui fournir des conditions de vie supportables et surtout lui laisser un espace d'espérance plus vaste que celui que dépeignent les révolutionnaires dont c'est la vocation.
Là, au contraire, un bon casse-croûte est nécessaire pour tenir le coup.

Aujourd'hui, une large fraction de nos concitoyens, plus ou moins paupérisés et, en même temps, conditionnés par la pub à vouloir toujours plus (alors qu'ils ont beaucoup plus que les vrais malheureux du monde entier) semblent prêts à révolutionner la société alors que deux ans plus tôt j'aurais soutenu mordicus le contraire. Il faut dire que le trio d'énarques qui gouverne (Macron, Philippe, Le Maire) n'a pas de formules assez méprisantes pour répondre aux aspirations de ce peuple malheureux (malgré les smartphones, la télé, la bagnole, les supermarchés pleins…). Qu'il ne s'étonne donc pas de la violence verbale, gestuelle, matérielle des Gilets Jaunes ! Macron démission, bras ou doigts d'honneur, guillotines en bois sur les ronds-points ne sont après tout que des avertissements sans frais. Si Louis XVI et son gouvernement de nobles et de banquiers avaient écouté les cris de désespoir du peuple parisien après les mauvaises récoltes de 1781, 83, 85, 88, ils n'auraient pas fini sur l'échafaud !
Un beau trio d'énarques incapables de voir venir la révolte

Macron a été capable de mener une révolution de couloir en intriguant, en trahissant le Président de la République, en éliminant ses concurrents les plus menaçants par d'habiles manœuvres juridiques ou politiques pour se choisir une adversaire qu'il pourrait vaincre à coup sûr (lui qui n'avait jamais affronté le suffrage universel). Mais serait-il capable d'empêcher une révolution populaire contre lui ou d'en organiser une contre la révolte populaire à la manière de Louis-Napoléon Bonaparte ? Car bientôt, il est possible que celui dont les médias faisait un être marchant sur l'eau de victoire en victoire n'ait plus qu'une seule alternative : faire une révolution de palais contre sa propre république ou lutter contre une révolution populaire destinée à le renverser. Que feront les forces de police ? Que se passera-t-il quand "le grand débat national" aura accouché d'une souris (verte) ? Les jours s'allongent au printemps et le temps devient propice aux longues et chaudes soirées. C'est quand les femmes trompées en deviennent conscientes, quand elles en ont assez d'êtres battues, qu'elles prennent un fusil pour tuer leur conjoint. Et l'entourage de dire : "Ça devait arriver !"

Delacroix et la bannière.