ET SI L'ON MANQUAIT DE DROGUES ?

Publié le par Michel Durant

Le pavot, arme de guerre des trafiquants et des grandes puissances

La crise du coronavirus et la récente émission sur l'histoire du trafic de drogue (ARTE 31/03) viennent opportunément mettre l'accent sur la dépendance – les savants parlent d'addiction – des humains aux drogues. Drogues de toutes sortes et de toutes les époques touchant tous les humains et toute l'humanité. "Même moi ?" dites-vous. Oui, même vous et même moi qui ne fume pas de tabac ou d'autres substances ni ne bois pas d'alcool. Ainsi, tout à l'heure, alors que j'étais au téléphone, appelé par une amie, je fus soudain frappé par une de mes crises récurrentes de migraines ophtalmiques. Je dus donc interrompre ce dialogue fort intéressant avec quelqu'un demandant… des nouvelles de ma santé (!) pour prendre le plus vite possible ma dose de granules homéopathiques (iris versicolor 5 CH) faisant disparaître en quelques minutes les fâcheuses étoiles kaléidoscopiques (très jolies mais sacrément handicapantes) caractérisant ces migraines. Ma drogue est efficace, n'en déplaise aux scientistes pourfendeurs de l'homéopathie. Elle n'en est pas moins une drogue, j'en suis dépendant et j'en porte sur moi un tube en permanence.

L'homéopathie, une drogue comme une autre ?

Certes, je n'ai pas recours au trafic pour me procurer cette drogue disponible chez mon pharmacien favori. Mais il est certain que si je me trouvais soudain privé de ma "drogue irisée", en manque, je serais capable de tout pour m'en procurer. Aussi, depuis de très nombreuses années, j'éprouve pour mes congénères, dépendants de drogues interdites et soumis à des sanctions pénales par une société répressive, une relative tolérance que ne comprennent pas la plupart de mes amis. Et cette tolérance s'accroît au fil des ans et à mesure que, en application des ordonnances de mon médecin traitant, j'ingurgite divers médicaments (drogues) afin de supprimer certaines douleurs dues à une "neuropathie périphérique", à certains risques d'hypertension, et autres mesquineries allant de soi avec mon grand âge.

La drogue la plus célèbre du monde en 2020

Le brouhaha provoqué par l'hydroxychloroquine utilisée par le professeur Raoult (qui doit m'excuser pour le sabotage délibéré de son nom dans mon précédent article placé sous le signe du poisson d'avril) contre le coronavirus a mené certains aux pires extrémités pour se procurer cette drogue dont l'efficacité est encore plus contestée que celle de l'homéopathie. On peut alors imaginer ce qui se passerait si le gouvernement* décidait d'interdire le tabac ou l'alcool (comme au joyeux temps de la Prohibition aux USA) ou même de limiter leur consommation à 1 paquet de cigarettes et 1 litre de vin par semaine. Aussitôt, un trafic intensif s'établirait avec son cortège de violences et de bavures policières d'autant plus grand que nous sommes en mode confinement.* Mais il n'en fera rien car les taxes sur le tabac, l'alcool… et l'essence – qui est aussi une drogue – rapportent beaucoup d'argent dans l'instant alors que leur coût social, différé, est de beaucoup supérieur.

Le trafic de drogue est une véritable industrie qui remplace au Mexique la politique sociale 

L'émission d'ARTE (rediffusée le jeudi 9 avril à 9h25) était passionnante et très instructive, même pour moi qui m'intéresse depuis toujours à l'histoire et cherche à comprendre le comportement de mes semblables au cours des âges et sur l'ensemble de la planète. Eh bien, grâce à cette émission, il est possible de voir que l'usage, le commerce, la répression des drogues et des drogués a fonctionné et fonctionne partout et de tous temps selon les mêmes principes. L'argent et le pouvoir sont intimement mêlés aux mafias qui pratiquent le trafic de drogue au point que la drogue gangrène aussi bien la société qu'elle nuit à la santé des consommateurs.

L'État français légal trafiquant de drogue dure depuis Colbert 

Prenons l'exemple du tabac, drogue licite en France, qui a pignon sur rue et dont le monopole de la production et de la vente date de Colbert au XVIIe siècle. Citons quelques chiffres arrondis au milliard d'euros près : chiffre d'affaires annuel 20 milliards d'euros, recettes fiscales 16 milliards d'euros, coût social (soins, décès, invalidités…) 120 milliards d'euros ! On peut dire que les Indiens d'Amérique qui respiraient, pendant leurs fêtes rituelles, la fumée de cette solanacée cousine de la pomme de terre sont rétrospectivement vengés des massacres et des épidémies que leur ont apportés les conquérants européens. Le documentaire d'ARTE montrait aussi comment les Anglais, soucieux de conquérir des marchés sur le sol de la Chine qui pratiquait alors un splendide isolement, se sont servis du commerce clandestin de l'opium pour obliger l'empire chinois à ouvrir son marché à l'industrie britannique. Cruel retournement de l'Histoire, c'est aujourd'hui la Chine qui impose ses produits et ses prix aux anciens colonisateurs. Et ce sont ces pays qui souffrent le plus gravement des drogues illicites en provenance d'Asie ou d'Amérique (héroïne, cocaïne, marijuana…) 

 

Notons que toutes les  drogues ne viennent pas des pays lointains. L'alcool existait en Grèce, Gaule et Italie bien avant l'arrivée du haschisch ou de l'invention des amphétamines. Et les dégâts de cette drogue sont équivalents à ceux du tabac et bien supérieurs à ceux des drogues illicites. Celles-ci, pourtant, scandalisent les gouvernements français successifs qui refusent de dépénaliser la consommation de cannabis alors que l'apéro est considéré comme une inoffensive pratique conviviale consubstantielle de la culture française… À l'époque du Grand Confinement, ne voit-on pas se développer les apéros informatiques sur les réseaux sociaux ? Quand rouvriront les bistrots, les producteurs de boissons alcoolisées ne manqueront pas de  publicitaires ingénieux pour trouver des slogans assurant la perpétuation de cette pratique nouvelle. Un apéro au bistrot ça va, un autre sur les réseaux sociaux on est des héros !  

  

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