MAI 68 BATTU PAR COVID 19

Publié le par Michel Durant

Mai 68 ! On se souvient de cette révolution manquée (par ma génération) grâce à quelques images : les barricades comme une revanche sur le baron Haussmann, la grève générale comme un remake de juin 36, la manifestation gaulliste des Champs Élysées comme l'expression d'un "Je ne vous ai pas compris" et l'obtention par presque tous les élèves de Terminale d'un bac au rabais comme la négation de la méritocratie républicaine.

 

2020 ! L'épidémie de coronavirus, au-delà de la litanie quotidienne du nombre de contaminés, d'hospitalisés, de décédés – 7500 à ce jour – de guéris, a été occultée hier par l'annonce officielle, 2 mois avant la date prévue de l'examen, de la suppression du baccalauréat, examen égalitaire symbolique de la devise républicaine. Son remplacement par l'application d'un contrôle continu, lui-même réduit à un ersatz électronique, équivaut à sa suppression pure et simple à l'avenir.

 

En effet, quel ministre pourra – Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous ? (Bérénice, Acte IV Scène V) – annoncer le rétablissement du classique baccalauréat avec quelque chance de succès ? Sinon avec mention repassable ! D'ailleurs, avant l'épidémie de coronavirus, une épidémie de contestation avait frappé le projet Blanquer de réforme du Bac et le Ministre (s'il est encore en place en 2021) n'est pas prêt à affronter une nouvelle contestation sur ce sujet du Bac (vous avez 4 heures pour le traiter).

 

Les élèves et les parents eux-mêmes ne seraient guère chauds pour revenir au Bac traditionnel. C'est que le stress de l'examen n'est pas une invention des cancres. Même les "bons" élèves et leurs parents vivent l'année de Terminale sur des charbons ardents. Mes souvenirs personnels en sont assez cuisants (et toujours très vifs) pour que je puisse en témoigner fortement. Ainsi donc, je prévois que ce stress, ces menaces de grève de l'examen brandies par les enseignants en colère, ces tonnes de papier et ces forêts sacrifiées pour couvrir d'insanités de belles feuilles vierges, ces salles d'examen préparées à la hâte dans des gymnases par des personnels qui devront ensuite tout remettre en place, ces sujets erronés, divulgués, ces tricheries ici ou là, ces copies perdues ou dérobées aux correcteurs, ces contestations des barèmes de notation, cette longue attente de la proclamation des résultats devant les portes des lycées, ces pleurs et ces rires des candidats reçus ou échoués… Tout ça c'est fini, c'est du passé dépassé. Il faudra compter sur le cinéma pour ressusciter les affres du baccalauréat avec des titres édifiants : Passe ton bac d'abord N°4, L'élève Ducobu n'a pas la moyenne en philo, Graine de Violence remake par les frères Coen, Zéro de Conduite remake par Josée Dayan, Le Triangle des Poètes Disparus, La Journée du Kilt, Camille ne redouble pas…   

 

Du coup, je vais pouvoir cet après-midi féliciter ma petite-fille qui est en Terminale pour son succès au baccalauréat avec 2 mois d'avance. Merci Covid 19. Hélas, je n'ai pas le droit de l'embrasser.

 

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