RAJOY C'EST PAS LA JOIE !

Publié le par Michel Durant

Désavoué, le petit caudillo de Madrid qui emprisonne et bastonne ses opposants, les traite de traîtres, de lâches et de rebelles. Laminé, le Parti Populaire qui n'atteint pas 5% des voix  en Catalogne (et perd 7 sièges sur 10) dans des élections qu'il a lui-même imposées. Légitimés, les indépendantistes qui retrouvent la majorité absolue au Parlement de Catalogne avec une participation massive de 81,7% des inscrits contre 75% en 2015.

À Bruxelles, Carles Puigdemont, le Président  du Parlement catalan, bien entouré, jubilait en faisant ses commentaires sur le scrutin. Celui-ci, voulu et organisé par Mariano Rajoy a tourné doublement à son désavantage. Primo, les indépendantistes ont conservé la majorité absolue en sièges, secundo, Ciudadanos, parti de centre droit (une sorte de Modem espagnol dirigé non par un vieux beau mais par une jeune et belle avocate) a taillé des croupières au Parti Populaire et est arrivé en tête de tous les partis dans ces élections catalanes. Dans les prochaines élections législatives, ce sera un rival très sérieux pour le Parti Populaire, surtout si celui-ci est conduit par Mariano Rajoy.

Le chef du gouvernement espagnol a voulu montrer ses muscles pendant

le  referendum d'octobre en tentant d'empêcher le scrutin par la violence, en mettant les structures catalanes sous tutelle après la proclamation de l'indépendance, en emprisonnant les leaders indépendantistes, en privant les indépendantistes de moyens de propagande télévisée pendant la campagne des élections régionales. Il a joué, il a perdu. En voulant appliquer la méthode forte, il a fait non seulement preuve de faiblesse mais encore prouvé qu'il ne comprenait rien à la politique : en prison ou en exil, les chefs indépendantistes sont devenus des martyrs. Cela n'a pu que maintenir dans leurs certitudes les électeurs catalans mais surtout cela a montré au monde entier (particulièrement aux pays européens) la véritable nature du Parti Populaire qui n'a pas abandonné ses références à l'ancien  régime.

Mariano Rajoy* reste apparemment "droit dans ses bottes" mais en réalité il s'est "tiré une balle dans le pied" (j'emploie volontairement les images des journalistes). Plus simplement, il a échoué sur toute la ligne. Il se retrouve dans la  situation d'octobre. Pire puisqu'il contestait les résultats du referendum pour lequel la participation était inférieure à 50% des inscrits et la légalité de la consultation rejetée, arguments impossibles à utiliser alors  que plus de 80% des inscrits se sont déplacés aux urnes pour les Régionales et que la légalité du scrutin est reconnue par tous puisque c'est le gouvernement central qui les a décidées et organisées.

* À ses débuts en politique Mariano Rajoy militait dans l'Union Nationale Espagnole, parti de Manuel Fraga, ancien ministre de Franco.

                                                                            Iñes Arrimadas en meeting à Barcelone

Rajoy ne veut pas rencontrer les vainqueurs indépendantistes. Il veut mettre Puigdemont en prison s'il rentre en Espagne et préfère négocier avec Ciudadanos. Normal le centre droit est d'accord avec la droite. Mais impossible pour ce parti d'obtenir une majorité au Parlement catalan. Quel futur pour la Catalogne ? Je ne suis pas devin mais je pense que contrairement aux affirmations de Rajoy les aspirations républicaines et indépendantistes ont plus d'avenir en Catalogne et en Europe que le chef du gouvernement espagnol en Espagne. Un signe ? Aujourd'hui, le Barça (républicain) a infligé une défaite 3 buts à zéro au Real (royaliste). On pourrait croire qu'appliquer au foot professionnel des critères politiques est erroné mais à Barcelone, il y a aussi un club unioniste l'Espanyol de Barcelone et à Madrid, il y a un club classé à gauche, l'Atletico. Bien entendu, ces catégories sont surtout valables pour leurs supporters.

Et l'Union Européenne dans tout ça ? Elle fait semblant de fermer les yeux  et les oreilles mais les faits sont têtus et, malgré leur entêtement à soutenir Rajoy, les dirigeants européens sont obligés de voir et entendre la réalité. Puigdemont n'a pas manqué de souligner cela en prenant l'exemple de Manuel Valls, farouche soutien des unionistes**, lui-même né à Barcelone et naturalisé  français en 1982, qui est intervenu sur place dans des meetings  lors des élections régionales pour soutenir le maintien de la Catalogne au sein de l'Espagne. L'ex-Premier Ministre français est bien intervenu en tant que tel, c'est-à-dire, comme personnalité européenne. Il a notamment déclaré : "L'indépendance est une folie… ce serait la fin de l'Europe… le projet indépendantiste est mort face à la réalité". Malheureusement pour lui, Manuel Valls n'est pas réputé pour la finesse de ses analyses ni pour sa lucidité politique. Sa proximité avec Rajoy – y compris sur le plan physique puisqu'il en a adopté la barbe – ne plaide pas en faveur de son objectivité dans ce dossier, si tant est que Manuel Valls ait un jour fait preuve de cette qualité sur un seul dossier politique. Surtout renommé pour ses invectives, ses leçons de morale et son autoritarisme, il laissera dans l'Histoire la trace d'un homme qui, battu à la Primaire de son parti, a trahi le candidat choisi par la majorité des siens pour rallier le camp de l'adversaire. Espérons, pour les Catalans et la Catalogne – et pour les Espagnols aussi – que les dirigeants de l'Union Européenne, d'abord en coulisses puis officiellement, interviendront lucidement pour calmer le jeu catalo-hispanique. D'abord pour faire se rencontrer les protagonistes directs (catalans unionistes et indépendantistes) puis les responsables structurels (Premier Ministre espagnol et Premier Ministre catalan) et enfin tous ensemble pour établir d'un commun accord un calendrier électoral qui permettrait – comme en Écosse et en Nouvelle-Calédonie***– de décider constitutionnellement de l'indépendance ou non de la Catalogne. Espérons qu'il ne faudra pas attendre que les chefs actuels des deux camps aient disparu pour parvenir à un accord.

** Bien sûr, ce soutien aurait eu plus de poids si l'ex-catalan, ex-Premier Ministre de François Hollande, n'avait pas, avant même de trahir ses camarades socialistes, trahi son pays natal en le quittant alors qu'il était en pleine reconstruction démocratique après 37 ans de dictature franquiste…

*** En Nouvelle-Calédonie, le processus de paix négocié par Michel Rocard (que Manuel Valls prenait comme modèle) aura nécessité 30 ans pour déboucher enfin sur un referendum que son auteur ne verra pas.

"Le referendum n'a pas  existé, la police n'a pas réprimé, je n'existe pas !"

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