FAKE NOUILLES

Abreuvés de fake news depuis plusieurs années de façon de plus en plus adroite (et à droite) et  de plus en plus fréquente au point d'en avoir une indigestion, les assoiffés d'informations n'en peuvent plus de démêler le vrai du faux, du falsifié, du simulé, des bobards, des blagues et des mystifications. Au point que,  dans sa grande sagesse, notre Grand Macronmouchi a décidé de faire une loi (une de plus) contre les propagateurs de fausses nouvelles pendant les périodes électorales (on se demande pourquoi de fausses vérités seraient bonnes à entendre hors élection).

Il existe pourtant une loi de 1881 sur la Presse qui permet de poursuivre les propagateurs de fausses nouvelles mais donne aussi des garanties de liberté aux journaux et aux journalistes. Cette manie des dirigeants politiques n'est pas une fake news, elle existe bien et, sans atteindre le paroxysme orwellien, elle traque sans relâche "les ennemis de l'intérieur" grâce à une milice ou une police de la Pensée comme dans 1984.

Si les principales fake news proviennent d'individus ou de groupes peu recommandables sur l'Internet, les "Grands" de ce monde ne s'en privent pas. Le Président des USA, lui-même, a lancé un bulletin d'infos à la télévision destiné à fournir des vérités alternatives pour contrer ses détracteurs. Tout dans la nuance, on s'en doute. De son côté, Poutine a créé une chaîne de télévision, Russia Today, dont l'édition française  est particulièrement gratinée. Mais on ne pouvait guère attendre mieux d'un ancien du KGB-FSB. Quant à notre Grand Macronmouchi, grand faiseur de lois et grand tout court, il a profité de la période des vœux pour émettre celui de contrôler la vérité en France, selon sa vérité, bien entendu.

Les médias ne sont pas en reste. Depuis plusieurs années déjà, Libération cherche l'erreur dans son Désintox diffusé chaque soir vers 20h20, dans l'émission d'Arte, 28 minutes.. Il y a aussi, désormais, Checknews, site de vérification au service des internautes. Mais on n'est jamais vraiment sûr de l'indépendance, du courage, de la fiabilité des journalistes. Pressés par le temps, leur vérification n'est pas toujours complète. Mais qui contrôlera les contrôleurs ?

À mon avis, il faudrait, parallèlement, former les citoyens à exercer leur cerveau à réfléchir sur les faits fournis et à entraîner leur esprit critique. Il faudrait aussi leur donner tous les éléments techniques permettant de peser le vrai du faux et de se comporter en citoyens avisés. Notamment, sans se contenter du journal  de TF1 ou de la 2, lire une presse variée : Le Monde, Libé, Le Figaro… Le Soir de Bruxelles, la Tribune de Genève, tous accessibles sur l'Internet.

Tout le monde produit des fake news. Ainsi, lors de la première élection

d'Obama, un ami m'avait fourni une image de la Maison Blanche avec un drapeau rouge sur le toit. Mais, à ma connaissance, personne n'avait cru que cette image était vraie. Chacun avait compris que c'était une plaisanterie. Mais un internaute aurait pu la publier et en faire un article prouvant à ses amis que les communistes avaient répété aux USA le coup de la révolution russe ! Le Net est farci de ces fausses nouvelles, de méthodes nouvelles pour maigrir, d'un prochain voyage sur Mars en fusée individuelle et d'achat de résidences sur la Lune…

Il paraît même qu'on sait faire maintenant des logiciels capables de produire des "vraies fake news" et, pourquoi pas "de fausses vraies fake news" ? La frontière entre le vrai et le faux sera aussi trouble, aussi indéfinie que celles entre Israël et la Palestine, le Nord et le Sud-Soudan, le Chili, la Bolivie et le Pérou, l'Irlande du Nord et la République d'Irlande avec le Brexit. D'ailleurs, le Brexit n'est-il pas une fake news ? Savez-vous qu'à tout moment, le Royaume-Uni peut renoncer aux négociations avec l'Union Européenne et reprendre ses billes par un simple vote de la Chambre des Communes ? Dans la situation actuelle c'est peu probable mais s'il y avait de nouvelles élections et une victoire des Travaillistes cela pourrait  se faire.

Notre Macronmouchi voudrait sanctionner les fausses nouvelles circulant pendant les périodes électorales. Mais il ne s'inquiète pas des fake news pullulant depuis des décennies, développées par les fabricants de tabac et plus récemment par les climato- sceptiques. Que ces fake news soient de type idéologique (climat) ou financier (tabac), elles fonctionnent selon le même mécanisme : trouver une virgule mal placée pour contester le style de Victor Hugo, pointer du doigt la vague de froid frappant le Canada et le Nord des USA pour infirmer le rôle de l'Homme dans le réchauffement de la planète (qui n'existe pas pour certains), trouver quelques centenaires alertes ayant fumé deux paquets  de cigarettes par jour pendant toute leur existence pour nier la nuisance du tabac… J'attends avec amusement les additifs jupitériens dans la loi de 1881 sur la presse. Qu'adviendra-t-il du Canard Enchaîné, de Charlie Hebdo et de toute la presse pas encore subordonnée au souverain ?

 

J'ai appris ce matin qu'un jeune Chinois avait publié une vidéo sur le Net "prouvant" qu'il avait trouvé des fibres plastiques dans ses nouilles. Cette vidéo aurait  été vue 3 millions de fois en quelques heures (ou jours, je ne sais plus). Mais rien ne nous prouve qu'il ne les a pas mises lui-même pour faire l'intéressant, tout comme moi avec mon drapeau rouge sur la Maison Blanche. Bon, trèfle de plaisanterie, je m'en vais de ce pas manger mes nouilles, de  vraies nouilles. Pas besoin, devant une telle nourriture, de me souhaiter bon appétit !