LUC FERRY ET LES SEPT NAINS

Publié le par Michel Durant

Comme le petit tailleur : sept d'un coup !

Le philosophe médiatique, auteur d'une quarantaine de livres, vient de publier son dernier ouvrage, Les Sept Écologies aux Éditions de l'Observatoire et en assure la promotion devant micros et caméras avec une certaine satisfaction. Le livre porte un sous-titre moins aguichant Pour une alternative au catastrophisme antimoderne. L'ancien Ministre de l'Éducation se pose ainsi en sauveur suprême face aux dangereux écologistes qui mèneraient l'humanité à sa perte.

Il rit de bon cœur mais il se fâche aussi…

Le philosophe abandonne périodiquement la philosophie pour aborder des sujets d'actualité, des idées politiques ou économiques avec un certain succès éditorial, il faut bien le reconnaître. C'est que l'homme a de l'allure. À 70 ans, il a encore le cheveu noir et long, un sourire avenant, un langage clair et même parfois trivial, une grande habileté dans le débat. Très présent sur LCI, il excelle à défendre ses idées sans pour autant me convaincre le moins du monde. Le nombre  sept doit lui plaire puisqu'avant Les  7 écologies, il a publié 7 façons d'être heureux, Éditions XO. Verrons-nous bientôt Mes 7 recettes préférées, Mes 7 actrices préférées ou Mes 7 philosophes préférés ?

Tout aussi gaulliste mais moins chevelu

En tout cas, s'il parle souvent d'écologie, il n'aime guère les écologistes. Comme François Mauriac écrivait en 1978 "J'aime tellement l'Allemagne que je suis ravi qu'il y en ait deux !" Luc Ferry aime tellement l'écologie qu'il est content qu'il y en ait sept ! Et il lui faut 288 pages pour expliquer qu'en fait il n'y en a qu'une de vraie, la sienne, l'écomodernisme fondée sur l'économie circulaire, bienveillante, opposée à l'écologie "punitive"*, bien entendu.*Les réactionnaires, conservateurs, ennemis de l'écologie, et partisans du bâton contre ces dangereux extrémistes, ont inventé ce concept destiné à effrayer tout comme ils utilisent l'expression khmers verts.

Dire du mal des écologistes derrière une plante verte : tout un art

Luc Ferry avait déjà publié un pamphlet anti-écolo en 1992, Le Nouvel Ordre écologique chez Grasset dans lequel il fustigeait les écologistes en les assimilant aux nazis, lesquels vénéraient la nature et avaient établi des lois punissant ceux qui la détruisaient. Claude Allègre, qui avait aussi sévi comme Ministre de l'Éducation Nationale et qui fut un climato-sceptique acharné, apporta son soutien enthousiaste au livre de Luc Ferry : "C'est un livre qu'il faut lire absolument". Luc Ferry a d'ailleurs marqué son intérêt pour cette écologie qu'il déteste en publiant en outre, aux Éditions du Figaro, une plaquette du genre Que sais-je ? intitulée Philosophie de l'Écologie. Lui qui est un admirateur de Jean-Jacques Rousseau amoureux de la Nature (avec un grand N et pas une grande haine) doit  connaître cette citation du père de L'Émile : "Diminuez  donc les désirs, c'est comme si vous augmentiez les forces". Ne serait-ce pas la déclaration d'un précurseur d'une écologie de décroissance fustigée par notre censeur patenté ?

Grincheux, lave toi les mains contre le Covid 19, sinon gare à toi !

Les 7 écologies de Luc Ferry, c'est comme les 7 Nains de Blanche-Neige. Nous avons les effondristes comme Atchoum, les alarmistes révolutionnaires comme Grincheux, les écoféministes comme Timide, les décoloniaux comme Simplet, les véganes comme Dormeur, les réformistes comme Joyeux, les écomodernistes comme Prof, c.a.d. comme Luc Ferry. La boucle est bouclée. Je n'ai pas lu le livre de l'ancien ministre, toujours prêt à donner des leçons au Monde entier et à ses environs, mais  j'en ai entendu parler par l'auteur lui-même, assez content de son travail. Comme Luc Ferry a écrit aussi sur Narcisse dont il dit "Narcisse est un enchantement pour les yeux mais un poison pour l'âme", je me demande s'il n'a pas tracé là son portrait et s'il ne consacre pas l'essentiel de son énergie à produire des œuvres destinées à susciter l'admiration des foules à son égard.

Une seule planète : une seule écologie

Personnellement, je pense qu'il n'y a qu'une seule écologie et qu'il y en a des milliards. Chaque individu peut se faire sa propre idée de l'écologie et la mettre en pratique quotidiennement avec, comme principe initial primum non nocere, d'abord ne pas nuire, devise implicite du serment d'Hippocrate. Il n'y a qu'une écologie, c'est celle qui est donnée par la racine du mot éco, la maison, en l'occurrence la planète, et qu'il y en a des milliards car, justement, la planète est habitée par des milliards d'êtres humains et des milliards de milliards d'autres êtres vivants qui doivent vivre et survivre, sinon en harmonie, du moins en symbiose. Cela signifie que l'on doit abandonner la hiérarchie absurde que l'Homme a établie en se plaçant délibérément en haut de la pyramide du vivant. Cela signifie aussi que cette hiérarchie doit être niée, supprimée entre les humains. Et là, il y a du travail.

Luc Ferry aimerait bien trier les déchets verts…

Luc Ferry hiérarchise évidemment les différentes sortes d'écologies : 1 passable, les réformistes, 1 excellente, son écologie, l'écomodernisme, 5 mauvaises, toutes les autres. Je ne sais pas ce qu'il compte faire de ces mauvais écologistes mais je sais ce qu'il en pense avec les déclarations à l'emporte-pièce qu'il destine aux réfractaires de la croissance, aux obscurantistes du retour à la bougie, aux antinucléaires maladifs. Quelques exemples de ses perles anti-écolos : "Astérix avait peur que le ciel lui tombe sur la tête, ce n'était pas plus intelligent que d'avoir peur des OGM ; l'inscription du principe de précaution dans la Constitution donne l'idée à tous que le vrai risque c'est la science et non pas la nature ; la pensée écologique est un délire romantique anti-libéral et anti-humaniste dissimulant pétainisme, fascisme et stalinisme". N'en jetez plus, Luc, la cour est pleine !

Et il a  même été réélu !!!

 

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