LE MALHEUR EST DANS LE PRÉ

Publié le par Michel Durant

L'autoroute bloquée par des tracteurs, ça change un peu des bouchons de l'été

Le duo Macron-Attal a éteint la mèche de la colère paysanne en lâchant sur tous les points de la revendication : le carburant détaxé, le plan Écophyto suspendu, le soutien aux nouveaux OGM, l'abandon de la protection des haies, la réduction des délais d'autorisation pour les méga-bassines et les élevages industriels et, bien entendu, la suppression des normes et le renoncement aux accords de libre-échange… Tout ça sous la forme de décrets à l'application immédiate ou de promesses à plus long terme, autrement dit du pipeau. La majorité des paysans a levé les barrages mais la Confédération Paysanne continue la lutte sur le problème principal : le revenu paysan.

Une manifestation plus proche de celles des ouvriers

Personnellement, je souscris pleinement à la revendication de ce syndicat qui, par ailleurs, ne voit pas dans l'écologie toutes les sources des malaises et du malheur des agriculteurs. En effet, les revenus agricoles sont extrêmement divers avec 20% de paysans français qui sont au-dessous du seuil de pauvreté quand 10% ont un revenu annuel supérieur à 100 000€. Cela correspond à la diversité des cultures et des surfaces, la moyenne de celles-ci étant de 70ha (quand Arnaud Rousseau, Président de la FNSEA en exploite 700 !) et le revenu moyen d'une exploitation étant de 50 000€. Une autre moyenne encore : 1/3 du revenu agricole étant le produit de l'activité et 2/3 des subventions et aides diverses.

Ici, on est loin des bouses et du fumier : tout est lisse et propre… pas si sûr

Tout ça complique la perception qu'ont les citoyens français de la situation de leurs concitoyens agriculteurs, des accords de libre-échange, des subventions diverses sans lesquelles il n'y aurait plus d'agriculture en France et dans plusieurs autres pays européens. D'abord ne confondons pas un éleveur de 50 vaches laitières qui vend son litre de lait à Lactalis 0,40€ quand celui-ci se retrouve dans les rayons du supermarché à 1,20€ soit trois fois plus cher. En chemin, Lactalis* (1er groupe laitier mondial) et les supermarchés se sont sucrés. Et, au bout du compte, aux deux bouts de la chaîne, le producteur et le consommateur sont les dindons de la farce. Ensuite, les accords de libre-échange favorisent les gros céréaliers français au détriment des éleveurs bovins et des producteurs de fruits et légumes (les premiers exportant des tonnages importants, les seconds subissant la concurrence souvent déloyale des pays favorisés par le climat et l'emploi de personnels sous-payés). Enfin, les subventions sont un cache-misère cachant aussi  des disparités et des injustices criantes car elles sont le plus souvent attribuées proportionnellement aux surfaces des exploitations. *23 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Si c'est sans danger, pourquoi porter des masques, pour faire joli ? 

La capitulation apparente du gouvernement devant le blocage des routes et la "peinture" au lisier des préfectures ne règle rien. Bien au contraire, l'opposition caricaturale entre agriculture et écologie se traduit par un grand bond en arrière qui ne profitera ni aux agriculteurs en difficultés, ni aux consommateurs peinant à se procurer des produits de bonne qualité à des prix convenables. On n'en est pas encore à clouer les écolos sur les portes des granges comme on le faisait autrefois pour les chouettes qui rendaient bien des services aux paysans mais on les accuse de tous les maux et on prolonge de 10 ans l'usage du glyphosate pourtant reconnu comme cancérogène par certaines agences de santé. Je voudrais d'ailleurs souligner l'hypocrisie du discours en usage : les promoteurs du glyphosate et des autres substances chimiques répandues sur les sols agricoles (qu'on retrouve dans les cours d'eau, dans l'air et dans les assiettes) parlent de produits phytosanitaires. L'étymologie prometteuse de cet adjectif est une garantie pour le producteur et le consommateur :  phyto = végétal, sanitaire = santé. Ce ne sont pas des pesticides mais des produits phytosanitaires donc sans danger, donc on peut en mettre partout tout le temps. Merci Macron !

Malheureusement, ce n'est pas le mot d'ordre de la FNSEA 

Pour ma part, je verrais bien un système plus juste permettant d'assurer un revenu minimum-maximum aux agriculteurs. En fixant des aides  moyennes aux exploitants de la moyenne des surfaces (70ha), en  les réduisant progressivement au fur et à mesure que les surfaces augmentent et, au contraire, en augmentant les aides quand les surfaces diminuent. Bien sûr, il faudrait moduler le système en fonction des formes d'exploitation : céréales, élevage, maraîchage…

…et les canards dans l'assiette ! 

 

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