JE T'AIME, MOI NON PLUS

Publié le par Michel Durant

J'ai écouté le débat Fillon-Juppé à la radio en faisant du travail manuel (oui, ça m'arrive). Ça évite plusieurs écueils : on n'est pas perturbé par les mimiques des journalistes et les plans de coupe, on ne succombe pas aux "charmes" des intervenants rodés par des décennies d'interprétation sur les plateaux télévisés, on est concentré sur les mots qui prennent tout leur sens, délivrés des spots insistants et des  couleurs criardes.

On s'attendait au clash. Juppé n'avait-il pas dit qu'il allait "casser la baraque" ? Mais, dès le début (les équipes  de communicants avaient dû  se mettre d'accord pour que chacun reste "droit dans ses bottes") on a compris qu'il n'en serait rien. Et que je te tutoie, et que je t'adresse des "Alain, tu as raison, je suis d'accord avec toi sur le constat" ou des "François, quand je faisais partie de ton gouvernement..." Les fleurets étaient mouchetés, les coups de savate amortis, les crochets du droit peu appuyés.

Pourtant, chaque fois qu'ils l'ont pu, nos deux champions de la droite décomplexée ou modérée ont porté des coups en vache à leur adversaire (sans doute modérés par les sourires et la mise en scène que je n'ai pas vus). Ainsi le "C'est impossible à faire" et le "On ne fera pas  travailler les fonctionnaires 39h en les payant 35" de Juppé ou le "Je veux changer le système et toi tu veux le réformer" de Fillon claquent comme le fouet sur la croupe de l'âne qui ne veut pas avancer.

"J'embrasse mon rival mais c'est pour l'étouffer" écrivait Racine dans Britannicus. Les  2 compétiteurs ont fait des études et s'ils ne savent pas vraiment ce qui arrivera dans les premiers mois de leur quinquennat, ils ont appris que l'Histoire est tragique. Pour gagner, il faut tuer l'autre. La méthode douce de Juppé n'est pas moins dure pour ceux des 250 000 fonctionnaires  dont il veut supprimer les postes que celle de Fillon pour les 500 000 de sa charrette ! L'un utilise de l'huile et l'autre du beurre mais c'est pour atteindre des objectifs semblables.

En tout cas, ils sont absolument d'accord sur un sujet important : l'environnement. On n'en parle pas. D'ailleurs, pourquoi en parleraient-ils puisqu'il n'y a aucun problème. Dans ce domaine, tout a été réglé à la Cop 21 et confirmé à la Cop 22 : la banquise n'a jamais été moins étendue et moins épaisse. Dans ce second tour, les votants auront le choix entre deux sarkozystes bon teint reprenant  en chœur la belle formule de l'ex-Président : "L'environnement, ça commence à bien faire !"

L'Europe, la culture, deux sujets également ignorés par les duettistes en finale de "Questions pour un champion". Fillon trouve le moyen de combler ce vide en se gendarmant contre les programmes d'histoire et les instructions officielles qui pousseraient les enfants à "douter de leur histoire et pire d'en avoir honte". S'il est élu Président, Fillon (qui a été Ministre de l'Éducation" de Chirac) fera réécrire les programmes. J'imagine déjà ce que ça va être : la femme de Clovis convainc son mécréant de mari de prier le dieu des chrétiens de lui donner la victoire à Tolbiac, il gagne et se convertit, ses guerriers aussi et le pays des Francs devient, plus tard, la fille aînée de l'église ; on aura aussi la "petite paysanne illuminée qui entend des voix" et fait sacrer Charles VI à Reims (devenue la mascotte de Jean-Marie Le Pen) ; on a  eu le "grand Charlemagne à la barbe fleurie" qui convertit les Saxons au fil de l'épée et mena plusieurs campagnes contre les Sarrasins (les Infidèles, bien sûr) en Espagne ; le Roi-Soleil qui fera massacrer gaillardement les habitants du Palatinat et les Camisards des Cévennes au prétexte qu'ils étaient protestants ; l'empereur Napoléon 1er qui passa un accord avec le Vatican (le Concordat toujours d'actualité en Alsace-Moselle) pour  être sacré par le Pape (15 ans après le début de la Révolution Française !) et obtenir la paix religieuse toujours menacée par les royalistes. Napoléon, le plus célèbre des Corses et le plus grand massacreur de l'Histoire de France. Faudrait-il donc taire ces observations pour éviter que les petits-enfants de Fillon aient honte de leur histoire ? (rassurons-nous, ils fréquentent de "bonnes" écoles). Bien entendu il ne faudra dire que du bien de la colonisation menée par les généreux généraux français, bien secondés par les missionnaires. Tout cela avec des "tableaux historiques" ad hoc montrant des militaires aux uniformes rutilants et des "indigènes" heureux des "bienfaits de la colonisation" dixit Sarkozy.

Pour la Culture on se contentera du prolongement de l'Histoire de France par l'apprentissage de la Marseillaise, surtout son refrain et son sang impur, "tellement compatible avec les idéaux du Pays des Droits de l'Homme". Quant à l'Environnement, c'eut été superflu dans un pays qui veut construire un aéroport sur une zone humide, à l'encontre des scientifiques et même du rapport du Commissaire-Enquêteur ; qui rêve de réaliser de nouvelles centrales nucléaires (EPR) partout dans le monde alors que le prototype de Flamanville accumule les dépassements financiers  et les défauts techniques.

L'Europe aussi a été oubliée. On me dira : "On aura le temps plus tard, il faut d'abord redresser la France !" Je suppose qu'on utilisera les bonnes vieilles médications : la purge et la saignée. Ce sont d'excellentes méthodes qui ont fait leurs preuves au cours des deux guerres mondiales. Et puis, grâce au docteur Fillonus qui classera les malades en 2 catégories : les cancéreux et moribonds de tous genres pour lesquels on ne dépensera bientôt plus rien, d'une part, et ceux qui utilisent des "médicaments de confort" qui ne seront pas  remboursés, d'autre part. Le trou de la Sécurité Sociale deviendra une montagne de bénéfices grâce auxquels (vases communicants budgétaires obligent) on pourra construire de belles autoroutes pour quitter les déserts médicaux... Ah que la vie sera belle sous le quinquennat Fillon  baptisé par le Pape François "Les Cinq Glorieuses" !

 

1-Ils se tournent le dos.

2-Ah mais non, ils sont contents de se retrouver : "Comment vas-tu-yau de poêle ? Et toi-le à matelas ?

3-Ils prétendent rénover la France : y'a d'la  joie !  

4-Je casse la baraque !

5-Moi, je renverse la table !

6-J'arrêterai les Arabes à Poitiers et à Notre-Dame-des-Landes !  

7-Dire que dans 20 ans ils seront comme eux...

8-9-Ils pourront se cajoler sans soucis.       

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