ÉTONNEZ-MOI, BENOÎT !

Publié le par Michel Durant

C'est ce que semble vouloir dire Jean-Marie Le Guen à Benoît Hamon, candidat du Parti Socialiste à l'élection présidentielle. Le Secrétaire d'État au Développement et à la Francophonie, premier supporter de Valls à la Primaire organisée par le PS, ne donnera pas son parrainage à celui qui est maintenant le candidat de SON parti car il se serait "isolé en tenant un discours extrêmement radical" et en ayant "un programme en rupture avec sa famille politique". Mais c'est justement pour cette raison qu'il a été désigné nettement face à Manuel Valls, ex-Premier Ministre, qui défendait un bilan désastreux que même le Président de la République renonçait à soumettre au suffrage des citoyens !

Benoît Hamon répond à ces critiques en rassemblant une centaine de députés socialistes (les frondeurs étaient beaucoup moins nombreux), en affirmant qu'il ne veut pas abdiquer sa liberté et en assurant que son offre  est centrale à gauche (il a, en effet, à sa gauche Mélenchon et à sa droite Macron). L'autre reproche fait à Benoît Hamon par l'ancien Ministre des Relations avec le Parlement, c'est d'avoir quitté le Gouvernement après avoir animé un groupe de députés contestataires, baptisé les Frondeurs. Or, maintenant, Jean-Marie Le Guen dirige un groupe de députés dénommé les Réformateurs soucieux de gommer ce qui reste encore de socialisme dans la Vieille Maison* et de rejoindre Macron pour conserver leur siège aux prochaines Législatives.

* Terme employé par Léon Blum en 1920, lors du Congrès de Tours, où les majoritaires communistes provoquèrent la scission du parti fondé 15 ans plus tôt par Jean Jaurès. Les minoritaires conservèrent la Vieille Maison socialiste nommée alors SFIO, Section Française de l'Internationale Ouvrière.

Ces réformateurs demandent en même temps au Secrétaire National du PS, garant de la Primaire, d'organiser un référendum pour obliger le candidat socialiste à infléchir le programme sur lequel il a été élu. Ce n'est plus "Étonnez-moi Benoît mais Jaurès, reviens, ils ont devenus fous !" Pendant ce temps, Benoît Hamon qui a aujourd'hui le soutien d'Europe Écologie-Les Verts,  étoffe son équipe de campagne : Montebourg, Peillon, Benahmmias, ses anciens concurrents de la Primaire, Aurélie Filipetti, Thomas Piketty, Eva Joly, Axelle Lemaire (Secrétaire d'État au Développement du Numérique) qui vient de démissionner du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem... Bien sûr, si l'on en croit les sondages, si l'élection avait lieu aujourd'hui, le second tour verrait s'affronter Macron et Le Pen et, selon certains (mon ami et ma référence fréquente, Dany Cohn-Bendit, notamment) ce serait la seule chance de battre la candidate de la haine, du repli sur soi, du nationalisme exacerbé, du combat contre une religion, l'islam, alors qu'il faudrait les contester toutes.

Mais il reste huit semaines avant le premier tour. Cinquante-trois jours pour changer la donne, influer sur la participation en combattant l'abstention (on est à 50%, inédit dans une élection présidentielle), influencer les électeurs certains d'aller voter et dont les votes peuvent évoluer en fonction des explications des candidats et de leurs soutiens. Deux mois pour mieux connaître les programmes, les diffuser partout, en discuter sur les marchés, dans les rassemblements, suivre les débats télévisés, connaître l'avancée des enquêtes sur Fillon et Le Pen... Rien n'est joué. On ne doit donc pas figer son attitude et fixer son engagement sur des sondages qui ne sont qu'une photo instantanée plus ou moins nette de l'état de l'opinion au temps t, au moment m, au jour j, à l'instant i, à l'heure h. Il convient plutôt d'agir en fonction de l'appréciation que l'on a du candidat, de son langage et de son programme.

Valls a pris des vacances mais ses amis "réformateurs" fragilisent le candidat issu de leur Primaire, anticipant une défaite qu'ils espèrent telle que Benoît Hamon ne pourra être légitimé dans la reconstruction du PS d'Épinay. Débarrassés du poulain de Martine Aubry et donc de la Maire de Lille, l'un d'eux – Jean-Marie Le Guen, par exemple – pourra prendre la tête du tout nouveau Parti Social-démocrate sous le label de la nouveauté, du socialisme et de la démocratie. Selon leur schéma simpliste, ce parti serait au centre de la nébuleuse des députés machonistes, le parti du Président. Ce ne serait pas En marche mais changeons tout pour que tout reste en place. Sabordage du PS pour noyer les frondeurs avec un candidat qu'ils jugent illégitime parce qu'il a battu leur chef. Une sorte de  récidive de la "mise à mort" de Michel Rocard par Mitterrand et les mitterrandistes.

 

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