VESTIMENTA ET HOMINES

Publié le par Michel Durant

Zut, pas moyen d'écrire le titre en italique. Cela aurait fait comprendre même à ceux qui n'ont pas fait leurs humanités latines que cet article traiterait d'un sujet hautement profond – admirez l'image audacieuse – des  vêtements et des hommes, donc probablement des vêtements d'hommes. Pourquoi pas, me direz-vous, il n'y a pas de mauvais sujets, il n'y a que de mauvaises manières de les traiter.

Déjà, quelques millénaires après Néanderthal, les humains peuplant notre planète s'efforçaient de se vêtir d'une façon qui n'était plus seulement utilitaire mais qui avait quelque chose à voir avec ce qu'on nomme de nos jours l'élégance. Pharaons et satrapes, rois et empereurs, sénateurs et consuls, en Asie comme en Europe, s'ils ne brillaient pas toujours par leur sagesse et leur intelligence faisaient de leur mieux pour paraître bien habillés, selon la mode du moment quand ils ne la devançaient pas.

Ainsi, du temps de Néron, un de ses consuls favoris, Pétrone, fut surnommé l'arbitre des élégances, un surnom qui lui resta au-delà des siècles, malgré la réputation sulfureuse de son maître à qui il dut une fin tragique. Au cours de la Révolution Française, sous le Directoire où les jeunes gens raffinés se distinguaient du peuple par des excès vestimentaires, Merveilleuses  et Incroyables y ajoutaient une manière extravagante de s'exprimer oralement en ne prononçant pas la lettre R. À la même période mais de l'autre côté du Channel, le Beau Brummel, un dandy britannique se fit connaître pour  son charme et le chic de ses chemises. Après le Beau Brummel puis la Belle Époque, vint  le temps de Gatsby le Magnifique... j'en passe et des meilleurs.

Vous m'en voudriez sans doute si je ne parlais pas des costumes de François Fillon à 6000€. Et vous n'auriez pas tort. Place à l'actualité. Cette fois, ce n'est pas le palmipède inconvenant qui signale les travers présumés fictifs du candidat de la Droite "unie" mais le distingué Journal du Dimanche qui dévoile ses réelles pratiques vestimentaires. On comprend que celui-ci, soucieux de plaire au corps électoral, ne se présente pas en loqueteux, jean déchiré et veste douteuse. Mais de là à se faire offrir par un ami des costumes Berluti dont un seul vaut le salaire mensuel de son assistante parlementaire préférée, il y a un pas difficile à franchir. Je ne sais pas vous, mais moi personne ne m'offre des costumes. À la rigueur, un copain mal embouché peut me tailler un costard un jour que j'ai dépassé la mesure, mais on m'offre plutôt des bouquins et je dois dire que je préfère ce genre de cadeau.

Le camarade Fillon trouve ça normal. Si je ne l'ai pas accablé pour les emplois présumés fictifs de sa famille (en attendant le 17 mars), je trouve que là il charrie un peu. Surtout qu'il surjoue la victime d'un complot, parle à nouveau de boules puantes et d'acharnement (pas encore thérapeutique). Son entourage accable les médias qui, pourtant, jusqu'aux révélations du Canard Enchaîné, avaient plutôt bien traité leur champion. Ses amis politiques n'ont pas l'air de trouver graves les reproches qu'on lui adresse. Cela indique bien dans quel état d'esprit se trouvent ceux qui prétendent nous gouverner demain et à quel niveau supérieur ils se situent par rapport au citoyen moyen. S'ils revenaient au pouvoir, on imagine la manière dont ils disposeraient des deniers de l'État (d'ailleurs, ils l'ont déjà fait auparavant). On nous présentait Fillon comme le meilleur rempart  contre le Front National mais c'est tout le contraire et celui-ci en fait ses choux gras alors même qu'il commet au Parlement Européen ce dont Fillon est accusé au Parlement français.

À quarante jours du 1er tour de l'élection présidentielle et à défaut de savoir qui endossera, deux semaines plus tard, l'habit présidentiel, on serait bien étonné si cette personne ne figurait pas à son avantage sur la photo officielle, avec un nœud papillon ou une cravate, un costume noir ou bleu marine (aïe, aïe, aïe), le Grand Cordon de la Légion d'Honneur en bandoulière, dans ou devant l'Élysée, la main posée sur la Constitution ou bien négligemment enfoncée dans la poche de son veston, à moins que ce ne soit aux commandes d'un char de combat comme il se doit pour le Chef des Armées, on pourra, parodiant les Anciens dans un sanglot : "Dic mihi quomodo vestitum et ego dicam tibi qui sis !"

1-Leo Genn interprète Pétrone dans Quo Vadis, film de Mervyn Le Roy en 1951.

2-Couverture du livre "Au temps des Merveilleuses.

3-Stewart Granger joue le rôle principal dans Le Beau Brummel de Curtis Bernhardt en 1954.

4-Robert Redford est Gatsby dans Gatsby le Magnifique de Jack Clayton, en 1974.

5-François Fillon rajuste sa cravate dans le rôle d'un politicien accusé de corruption en 2017 dans la comédie dramatique des frères Républicains J'irai jusqu'au bout.

6-La révélation de 2016 dans son nouveau spectacle Le Couturier de Monsieur où il est inénarrable. Sa réplique, digne des meilleures d'Arletty ou de Gabin, Hou, la, la , c'que j'suis engoncé là-dedans, heureus'ment que j'l'ai pas payé c'costume ! demeurera dans les annales... Avec bientôt le 2e épisode Le Couturier prend des mesures...

 

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