VIRAGE SOCIAL ? MON ŒIL !

Publié le par Michel Durant

 

Il ne fallait pas être grand clerc pour deviner à quelques mots près la teneur du discours présidentiel d'hier. Regardé par plus de 20 millions de personnes, paraît-il, ce ne fut pas du grand spectacle à la De Gaulle ou à la Mitterrand. Un manche à balai dans le derrière, les yeux fixés sur le prompteur, il n'y avait pas une once de sincérité dans la description que le Président a faite des malheurs des miséreux ayant revêtu des gilets jaunes pour rendre visibles leurs soucis. Il aurait pu gagner deux minutes sur ce décor de crise que chacun a bien en tête et consacrer ce temps à expliquer pourquoi il ne prenait pas aux riches pour donner aux pauvres.

Comme prévu, les assujettis à l'ISF en seront toujours exonérés. Ces "malheureux" risqueraient de quitter la France pour aller investir aux USA ou dans un autre pays qui "ne saigne pas ses riches aux quatre veines". Oui, ça, c'est la fable qu'on raconte aux smicards en France pour leur faire avaler la présence sur notre sol de milliardaires qui ne paient plus l'ISF. Les enfants ont peur de l'ogre et les milliardaires français auraient peur du fisc. Aussi leurs amis élus et dirigeants politiques font en sorte de voter des lois les garantissant contre l'impôt comme les bottes de 7 lieues aident le Petit Poucet. De plus, ils emploient et paient grassement des avocats fiscalistes – comme Sarkozy ou Fillon, maintenant que la sagesse du peuple les a écartés du pouvoir – pour leur trouver des moyens légaux d'échapper en partie au fisc. 

Il y a des impôts en France, oui. C'est la Révolution de 1789 qui, ayant aboli les privilèges (le clergé et la noblesse ne payaient pas d'impôts mais, au contraire, recevaient des pensions plus ou moins importantes "selon leurs mérites" de la part  du pouvoir royal), a établi le système des contributions proportionnelles aux revenus. Depuis, c'est ce système qui, avec plus ou moins de réussite et de justice, permet à notre société d'être moins inégalitaire. Après la Seconde Guerre Mondiale, le système s'est amélioré, stabilisé, sécurisé, garantissant à la fois une vie supportable pour les moins aisés et le maintien de la propriété des moyens de production (et donc de hauts revenus) pour les classes fortunées. Tant bien que mal, en dépit de crises financières ou politiques, le système a perduré. Aujourd'hui, sept décennies plus tard, il est à bout de souffle. Les politiciens issus de la Banque ou des Grandes Écoles, les industriels députés ou sénateurs (Dassault…) veillent à voter des lois évitant à leurs condisciples, confrères, parents ou amis de payer trop d'impôts, cela de la manière la plus discrète possible pour éviter les protestations de ceux qui ne paient pas d'impôts directs sur le revenu (car leurs revenus sont trop faibles) mais qui en paient démesurément à cause des taxes à la consommation (TVA, carburants…).

 

Hier soir, une fois encore,  Macron a tenté de nous faire croire que le retour de l'ISF ferait fuir les riches et leurs capitaux "dont la France a besoin pour créer des emplois". Ce matin, sur France Inter, Thomas Piketty a très bien expliqué que c'était faux. Pendant les 5 ans où l'ISF a été appliqué, il n'a cessé d'augmenter son rapport et il y a eu de plus en plus de gens qui y ont été assujettis.  Si Macron ne rétablit pas l'ISF, c'est tout simplement pour faire plaisir à ses amis, ses soutiens qui ne ne se trouvent pas dans les rangs des smicards. La conduite des hautes sphères de la politique ne tient pas à des règles morales comme du temps  de Socrate, Robespierre ou Jaurès mais à de simples considérations d'intérêts particuliers ou de la classe privilégiée dans son ensemble. Et, contrairement à ce que Macron et ses petits camarades voudraient nous faire croire, les intérêts des smicards et des PDG du CAC 40 (tiens la Bourse était en hausse ce matin ) ne sont pas les mêmes.

 

On a appris aussi, que la France était encore très bien classée parmi les vendeurs d'armes de la planète (loin derrière les USA et la Russie) avec de fameuses entreprises comme Dassault et Thalès. Pour les petits curieux qui voudraient en savoir plus, il suffit d'éplucher les 50 pages des comptes de ces géants du crime légal qui rapportent gros au budget de la France  et encore bien davantage à leurs actionnaires. Par exemple, Thalès qui a fait 1,3 milliard d'euros de bénéfices en 2016 a payé 264 millions d'impôts. Mais Bernard Arnault (PDG LVMH) dont la fortune se monte à 73 milliards d'euros n'a payé que 2 millions d'impôts ! Bravo l'artiste. Et moi je me demande où Macron va prendre l'argent pour donner 100€/mois aux smicards : à Thalès, à Arnault ou aux pékins de la classe moyenne ? Car le SMIC n'augmentera pas en France. Les 10% de salariés qui sont au SMIC verront leur rémunération augmentée de 100€ (c'est toujours bon à prendre) mais c'est un tour de passe-passe. Ce ne sont pas les entreprises qui paieront. Les salariés gagnant actuellement 100€ de plus que le SMIC n'auront aucune augmentation. La Montagne titrait ce matin Virage social mais j'ai bien peur que Macron ne continue tout droit et que nous allions tous dans le mur avec une politique à la Sarkozy.

 

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