C'EST REPARTI COMME EN 68 !

Publié le par Michel Durant

Et  sur les pavés les pneus des bagnoles

En juin 68, une fois le retour de De Gaulle de Baden-Baderne, une fois l'Assemblée Nationale dissoute et l'essence revenue dans les pompes, une fois la trouille des bourgeois passée, les bagnoles reprirent leurs encombrements, leurs dépassements illicites, leurs pollutions… L'augmentation du SMIG de 35% qui avait fait ranger au placard des illusions perdues les slogans libertaires fut bouffée en quelques mois par l'inflation. Elle se révéla un miroir aux alouettes. Des alouettes qui s'étaient brûlé les ailes au soleil de l'espoir révolutionnaire et redevinrent des oies à l'engrais permettant à "l'héritier" Pompidou de défigurer Paris avec ses voies sur berge… 

Les rues vides grâce au Covid, ça fait tout drôle

52 ans plus tard, rebelote. La trouille folle provoquée par le coronavirus, entretenue et renforcée par les tergiversations du gouvernement, transforma les râleurs en moutons. Mais sitôt le confinement levé, les ovins redevinrent des loups. Au volant de leurs bagnoles, un moment confinées aussi, les voilà qui s'échappent comme des chenilles processionnaires dans de mortelles randonnées. L'autre jour, j'ai dû attendre trois minutes pour franchir la Nationale à bicyclette et, en ville où la vitesse est pourtant limitée à 30km/h, les fous du volant se lancent dans des rodéos échevelés faisant ronfler les moteurs et mugir les klaxons.

Retour à la normale ou à l'anormal ?

Et Bruno Le Maire, Ministre de l'Économie et des Finances, en rajoute une couche : 8 milliards d'euros pour Renault car "il faut rester dans la course mondiale de l'industrie automobile qui est féroce" ! Quel aveu de faiblesse face au lobby de l'automobile ! Un lobby qui fait le forcing pour écouler les centaines de milliers de bagnoles encombrant les parkings des usines et des concessionnaires en envahissant les journaux, magazines et chaînes de télévision de publicités vantant le bonheur procuré par l'achat de LA nouvelle voiture de vos rêves. Et on donne des garanties à toute épreuve, des primes à la casse, des primes pour la voiture électrique (le miracle des miracles alors même que si on considère l'ensemble du processus de production, la voiture électrique est tout aussi polluante que les véhicules thermiques), des crédits à 0%…

Il paraît que le rouge est la couleur de la révolution…

Ceci n'est pas une pub (pcc René Magritte)

Ces publicités flattent l'égoïsme agressif et cruel des conducteurs (y compris quand ce sont des conductrices) et vantent les équipements électroniques des modèles rendant leurs utilisateurs toujours plus connectés, plus modernes, donc plus heureux. Bien entendu, la face cachée de l'automobile n'apparaît pas. La pollution atmosphérique par les particules fines, selon Santé Publique France, a tué 48 000 personnes en France en 2016 (beaucoup plus que le coronavirus). Et c'est sans compter les méfaits des émissions de gaz à effet de serre responsables du dérèglement climatique. La promotion des véhicules électriques surfant sur leur pseudo vertu écologique est un leurre. En effet les pollutions engendrées par les batteries sont tout aussi graves que celles des moteurs à hydrocarbures et les accidents de la route tout aussi dangereux (voire davantage car le silence des moteurs est un risque supplémentaire pour piétons et cyclistes). 

Que reste-t-il des chemins de fer dans l'Allier ?

Pourtant, aujourd'hui, on peut difficilement se passer de voiture. La disparition des commerces des villages et des centres-villes oblige à avoir une voiture. La disparition des transports en commun (entre les deux guerres, le maillage des voies ferrées et des lignes d'autobus permettait d'irriguer totalement l'hexagone) oblige les provinciaux à disposer de ce transport individuel dispendieux et au rendement énergétique très faible. Ainsi, une étude technique sur l'automobiliste américain moyen (toutes données considérées) conclut que sa vitesse n'est que de 6km/h, pas davantage qu'un piéton ! Et le constat est encore plus affligeant quand il apparaît que le même Hommauto décrit par Norbert Charbonneau passe plus de temps pour aller de l'aéroport au centre-ville que pour faire le trajet Paris-New-York ! Bref, pour reprendre le slogan post-soixante-huitard "La bagnole ça tue, ça pollue et ça rend con", il reste beaucoup à faire pour éviter la mort, la congestion pulmonaire et la débilité profonde !

Le télétravail aurait-il aussi ses inconvénients ?

À moins que, grâce au coronavirus, le télétravail ne démontre qu'on peut éviter de parcourir chaque jour 100 bornes pour aller bosser et que le covoiturage favorise la convivialité au détriment de la rivalité. À moins que l'indispensable transition écologique n'impose le transport ferroviaire* plus rapide, plus sûr et moins cher que l'automobile. Mais il y a encore du boulot. *On vient d'apprendre que la ligne Bordeaux-Lyon, abandonnée complètement depuis 2012 après des régressions continues, devrait reprendre en 2022. Une très bonne nouvelle pour les Gannatois.

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