LES BOURREAUX DE BÉTHUNE

Publié le par Michel Durant

Ah, ça fait peur !

Il y avait eu successivement deux catcheurs nommés Le Bourreau de Béthune – traditionnellement méchants opposés au bon Ange Blanc – il y en a maintenant un troisième : le manufacturier japonais Bridgestone qui vient d'annoncer la fermeture de son site de la sous-préfecture du Pas-de-Calais (Arras de l'Ami Bidasse en étant la Préfecture). 863 salariés sur le tapis qui n'est pas un ring de catch où tout est du flan, arbitre, catcheurs, spectateurs. Ce seront bien des chômeurs réels, des détresses sociales réelles, des suicides réels…

Le Bourreau de Béthune et l'Ange Blanc de Tourcoing chez De Gaulle

L'inénarrable Président des Hauts-de-France (avec un nom pareil, il ne faut pas s'étonner si la Région marche sur la tête), Xavier Bertrand s'indigne avec un pléonasme remarquable : "C'est un assassinat prémédité !" Ainsi, Bridgestone qui avait reçu d'importantes aides de l'État et des collectivités territoriales pour maintenir son site industriel aurait prémédité sa fermeture ? Mais c'est une évidence. Tous les industriels font ça. Ils créent une usine à un endroit choisi pour les prix intéressants des terrains, pour une main d'œuvre qualifiée, pour des débouchés commerciaux puis, quelques années plus tard, quand  la conjoncture a changé, quand on  trouve d'autres débouchés et une main d'œuvre moins chère et/ou plus docile, on ferme, on s'en va. Ça s'appelle de la stratégie industrielle, mon cher Xavier ! Vous, qui avez la stratégie de "faire don de votre personne à la France" comme candidat à la Présidence de la République, vous devriez vous inspirer de celle de Bridgestone, le pont de pierre japonais. Une stratégie payante puisqu'elle génère 34 milliards de dollars de chiffre d'affaires annuel.

C'est pas chez les Amish qu'on trouve ça !

Qu'est-ce que 863 personnes pour Bridgestone ? Rien du tout. Ishibashi (nom du créateur de l'entreprise qui signifie justement pont de pierre dans la langue d'Hiro Hito et de Kurosawa) compte 157 000 employés dans le monde sur une cinquantaine de sites. Quand l'un de ces sites est jugé moins rentable par les stratèges de l'entreprise, on le ferme et on en ouvre un autre. Les prochains devraient être en Biélorussie, Bolivie, Estonie, Porto Rico… Les fabricants de pneus ont un cœur de pierre aussi résistant que la texture de leurs produits. Ils ne s'arrêtent pas aux piquets de grève, aux protestations des élus, aux solennels engagements des ministres. Seules comptent pour eux les eaux glacées du calcul égoïste (K. Marx).

Voilà des pneus solidement ancrés dans la mémoire des routiers

Les autres fabricants de pneus ne s'y prennent pas autrement. Michelin, Continental, Pirelli… tiennent le même langage (voir leurs pubs), s'engagent dans la F1 en fanfare ou la quittent en catimini, créent un nouveau pneu… écologique  (on croit rêver, pourquoi pas un tigre végétarien dans votre moteur ?), sponsorisent les Jeux Olympiques, organisent des manifestations artistiques. Une vitrine alléchante mais une arrière-boutique répugnante. Vous me direz que Pirelli fait un joli calendrier, beaucoup plus sexy que Bibendum et vous aurez raison mais votre voiture a-t-elle des pneus Pirelli et, si oui, les avez-vous fait installer après avoir vu le calendrier 2020 de la firme italienne ou simplement parce que votre garagiste les a choisis pour leur qualité à moins que ce ne soit pour la marge bénéficiaire qu'il y fait ? (Moi j'ai des Dunlop !)

Dès l'annonce de la fermeture, les employés manifestent 

Faut-il boycotter Bridgestone ? L'obliger à rembourser les subventions obtenues ? Séquestrer la direction ? Rouler à bicyclette (zut, la firme fabrique aussi des vélos) ? On le sait bien, tout ça est inopérant et monsieur Bertrand le sait parfaitement. Que propose-t-il ? De nouvelles aides à Bridgestone pour investir dans de nouveaux pneus plus grands. Si c'est pas gonflé, ça y  ressemble. Je sens que si Xavier Bertrand devient Président de la République, il fera la promotion de la 6 G.

Le voilà, le vrai Bourreau de Béthune !

 

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