ENCLAVES ESPAGNOLES : PORTES OUVERTES SUR L'EUROPE

Publié le par Michel Durant

Histoire partout, géographie tout le temps : les deux conditionnent l'actualité

Cette semaine, les Français qui ne sont pas spécialistes de la géopolitique ont découvert que l'Espagne possédait deux enclaves au Maroc : Ceuta et Melilla (prononcer séouta et méliya). La première de 20km2 (3 fois plus grande que Gibraltar, enclave britannique en Espagne) compte 85 000 habitants dont la moitié de Marocains. La seconde n'a que 12km2 et 70 000 habitants avec la même proportion de Marocains dont 30% sont au chômage. L'arrivée massive de 8000 migrants en deux jours complique encore une situation sociale préoccupante.  

L'héritage colonial compliqué ne simplifie pas la situation

D'où cela provient-il ? D'abord, c'est un héritage de l'Histoire. À l'entrée du détroit de Gibraltar, Ceuta, depuis sa fondation par les Phéniciens au VIIe siècle avant JC, a toujours représenté un intérêt commercial  et militaire pour les divers conquérants (Romains, Vandales, Arabes, Portugais, Espagnols). Après l'indépendance du Maroc en 1956, le roi n'a cessé de réclamer le retour de ces enclaves dans le giron chérifien. Cela avec une certaine mollesse pour des raisons économiques. Ensuite, l'attrait de l'Europe pour la jeunesse des pays africains est tel que rien ne l'arrête, à plus forte raison quand les portes d'entrée s'ouvrent. Enfin, le gouvernement marocain s'est soudain fâché d'apprendre que le chef des indépendantistes Sarahouis (avec lesquels le Maroc est en conflit territorial depuis des décennies) est accueilli en Espagne pour y suivre un traitement médical !

Les arrivants sont contrôlés, acceptés ou refoulés

L'Espagne qui ferme les yeux sur l'émigration clandestine d'une main d'œuvre abondante et bon marché, notamment pour les activités maraîchères et fruitières, proteste contre cet afflux massif et trop visible alors qu'elle est censée faire "le gendarme" aux frontières de l'Union Européenne. Les images très spectaculaires de ces derniers jours ont ému la population espagnole excitée par l'extrême-droite qui se souvient sans doute que le putsch militaire de 1936 contre la République espagnole a débuté dans les casernes de Melilla et Ceuta.

Quelle nationalité pour ces macaques de Gibraltar ?

Je vois dans cette situation une opportunité pour régler à la fois plusieurs problèmes : l'existence anachronique des enclaves espagnoles au Maroc, celle tout aussi intemporelle de Gibraltar, et la régulation de l'émigration illégale en Europe. La restitution de Ceuta et Melilla au Maroc pourrait se faire en échange de celle de Gibraltar à l'Espagne sous l'égide de l'UE à la satisfaction de tous les protagonistes*. En effet, les habitants de Gibraltar qui ont voté à 95% contre le Brexit pourraient ainsi réintégrer l'Union Européenne et l'Espagne se débarrasserait de ses derniers confettis coloniaux qui ne lui causent que des ennuis. Quant à l'accès à l'UE, il est plus aisé de franchir un grillage à Ceuta ou Melilla que de traverser le détroit de Gibraltar avec ses courants, ses eaux aux températures très contrastées, ses énormes porte-containers et ses requins qui ne sont pas seulement des passeurs. *Je ne suis pas sûr que l'Amiral Nelson lui-même serait prêt à reprendre les armes pour conserver le Rocher et ses macaques ! 

Tous les contrôles du monde n'arrêteront pas toute la misère du monde

Il resterait néanmoins à tarir le flot de la migration clandestine ce qui ne peut se faire qu'avec le développement économique des pays africains et l'accession de leurs peuples à une vraie démocratie. C'est une tâche immense aussi indispensable à l'Europe qu'à l'Afrique.

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